Carte des résistances aux injustices engendrées par les aéroports

Cette carte interactive regroupe des études de cas illustrant la diversité des injustices liées aux projets aéroportuaires dans le monde. Elle a été élaborée dans le cadre d’une collaboration entre l’Environmental Justice Atlas et Rester sur Terre.

Pour plus d’informations ou si vous souhaitez fournir des informations sur une lutte aéroportuaire locale, merci de contacter : mapping[at]stay-grounded[dot]org

Carte des résistances aux injustices engendrées par les aéroports

Cette carte interactive regroupe des études de cas illustrant la diversité des injustices liées aux projets aéroportuaires dans le monde. Les populations affectées subissent de nombreuses injustices : expulsions, spoliation des terres, destruction d’écosystèmes, impact des travaux de construction, et atteintes à la santé dues à la pollution. La construction de nouveaux aéroports et l’extension d’aéroports existants sont causes d’injustices. De nombreux projets aéroportuaires visent à augmenter le trafic passager pour le tourisme, à l’instar du projet de l’aéroport de Mondulkiri au Cambodge, de l’aéroport de Fainu aux Maldives, ou encore de l’aéroport de Chinchero déjà en construction et destiné à augmenter le nombre de visiteurs du Machu Picchu au Pérou.

La carte comprend également des aéroports de fret, dont quatre sont destinés à la livraison d’équipements pour des projets de combustibles fossiles : l’aéroport de Komo en Papouasie Nouvelle-Guinée en lien avec le projet d’exploitation de gaz naturel liquéfié, l’aéroport d’Hoima en appui au développement des installations pétrolières sur les rives du lac Albert en Ouganda, et l’aéroport de Suai desservant les plateformes pétrolières au large des côtes du Timor oriental. Plusieurs cas sont des projets d’aérotropoles (villes aéroportuaires) : des aéroports entourés de zones commerciales et industrielles dont le développement dépend de l’aviation. Parmi les cas présentés, on retrouve : L’aéroport de Nijgadh (Nepal), l’aéroport Kertajati et le nouvel aéroport international de Yogyakarta (NYIA) (Indonésie), l’aéroport et l’aéropolis de Bhogapuram , l’aéroport de Purandar, l’aéro city de Shivdaspura et l’aérotropole d’Andal (Inde), un second aéroport sur l’île de Jeju (Corée du Sud), le nouvel aéroport de Phnom Penh (Cambodge), l’aéroport de Sanya Hongtangwan (Chine), l’aérotropole de Vernamfield (Jamaïque), le Central Transport Hub (Pologne), l’aéroport de Northwest Florida Beaches (USA) et l’aéroport d’Hamilton (Canada).

Le problème majeur dans la plupart des cas est l’appropriation des terres. La confiscation de sites très étendus, souvent de terres agricoles ou de zones de pêche, en vue de la réalisation de projets aéroportuaires, entraîne la perte pour des populations entières de leurs maisons et de leurs moyens de subsistance (concernant parfois des milliers de personnes habitant plusieurs villages). Parmi les cas étudiés, on peut citer l’aéroport de Purandar et l’aéroport de Navi Mumbai en Inde ainsi que L’aéroport de fret d’Ogun au Nigeria. Beaucoup de populations résistant à leur déplacement forcé ont été la cible d’une d’un répression d’Etat. Les expulsions, le harcèlement, l’intimidation, les arrestations ou encore l’emprisonnement et la violence sont monnaie courante. Plusieurs cas de conflits entre les communautés affectées et les forces de l’ordre ont causé des morts et des blessures, notamment dans le cas d’un projet de nouvel aéroport majeur sur les zones humides d’Arial Beel (Bangladesh), à l’aéroport militaire de Mieu Mon (Vietnam) et à l’aéroport de Lombok (Indonésie). Les organisations locales qui s’opposent à la construction d’un aéroport à Creel (Mexique) ont dénoncé la mort d’un dirigeant indigène, quelques jours seulement avant une manifestation prévue sur le site, comme un crime d’État. Des suicides de personnes confrontées à des déplacements liés à des projets aéroportuaires sont documentés dans les cas des aéroports de Bhogapuram et Salem en Inde.

Des victoires inspirantes

La carte présente un certain nombre de victoires inspirantes contre des projets aéroportuaires. Deux projets qui menaçaient des terres agricoles, celui de Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes (France) et celui d’Aranmula Greenfield (Inde) ont été stoppés, de même qu’un projet majeur au Bangladesh qui aurait artificialisé une grande partie des zones humides d’Arial Beel. La construction d’un aéroport sur l’Ile de Koh Phangan (Thaïlande) a été arrêtée après que la forêt ait été illégalement abattue en vue du projet. Le nouvel aéroport de Mexico a été stoppé après que les travaux aient détruit une grande zone humide. Mais bien souvent, l’opposition à un projet aéroportuaire aboutit plutôt à sa suspension qu’à son annulation pure et simple, comme cela a été le cas pour les troisièmes pistes à l’ aéroport de Heathrow et celui de Vienne. La perspective que ces projets aéroportuaires puissent reprendre ou leur reprise réelle place les communautés concernées dans une incertitude et une détresse prolongées.

Certaines communautés impactées ont aussi pu arracher des victoires partielles, telles que de meilleures indemnités d’expropriation, dans le cas de l’aéroport de Sentani (Indonésie) et celui de l’aéroport et l’Aerocity de Bhogapuram (Inde), ce dernier étant d’ailleurs un exemple d’activisme fructueux ayant permis de réduire la surface des terres dédiées à un projet. Des paysans dont les terres avaient été passées au bulldozer sans avertissement préalable au profit d’un projet d’aéroport de fret à Ekiti (Nigéria) ont obtenu un jugement favorable établissant que la prise de contrôle de leurs terres par la force était illégale, et ordonnant ainsi le paiement de dommages et intérêts.

De graves préjudices environnementaux

Le défrichement des sites de nombre de projets aéroportuaires détruit l’habitat des animaux sauvages et la biodiversité. L’un des cas les plus graves de déforestation au Sri Lanka s’est produit dans la zone destinée à la construction de l’aéroport de Mattala. Deux projets d’aéroports impliquent une déforestation à grande échelle : l’aéroport de Mopa (Inde) et l’aéroport de Nijgadh au Népal qui nécessiterait l’abattage de 2,4 millions d’arbres. La transformation des terres pour les aéroports côtiers détruit également des écosystèmes. Le projet d’extension de l’aéroport de Noonu Maafaru (Maldives) a été interrompue car l’accaparement des terres entraînerait la perte d’une grande partie du lagon. Cette décision a été annulée, mettant en danger les tortues de mer et d’autres espèces marines. Les mangroves dans la baie de Manille ont déjà été détruites pour réaliser l’aérotropole de Bulacan et des récifs coraliens et des herbiers marins sont menacés par un projet de second aéroport sur l’île de Tioman (Malaisie). L’accaparement des terres pour l’aéroport de Sanya Hongtangwan a été interrompu pendant deux ans à la suite de plaintes concernant l’impact sur l’habitat des dauphins blancs de Chine, espèce protégée. Le site choisi pour le projet de second aéroport à Lisbonne (Portugal) se trouve dans la réserve naturelle de l’estuaire du Tage, un écosystème de zones humides qui constitue une aire de repos essentielle pour des dizaines d’espèces d’oiseaux. Au Népal, des groupes locaux de défense de la nature se sont opposés à l’extraction de sable et de gravier du lit des rivières locales pour la construction de l’aéroport de Gautam Buddha.

Des nuisances pour la santé

La construction d’un aéroport peut avoir de graves conséquences pour l’environnement et pour la santé des populations vivant à proximité. Les habitants vivant près du chantier de terrassement entrepris pour la réalisation de l’ aéroport de Navi Mumbai ont été blessés par des projections de pierres dues au dynamitage et ont subi des niveaux élevés de pollution par la poussière. L’aéroport de Komo Airport en Papouasie Nouvelle-Guinée et l’aéroport de Pakyong en Inde sont des exemples notables d’utilisation d’énormes volumes d’agrégats (gravillons et sable) pour la construction, pouvant entrainer des instabilités du sol et des glissements de terrain. Des riverain-es de l’aéroport de Cincinnati/Northern Kentucky (USA) ont intenté un recours collectif concernant la poussière, le bruit et les ondes de choc excessifs provoqués par des travaux de dynamitage lors de la construction d’une plate-forme de fret. Les riverain-es impacté-es par la construction de l’aéroport Isiolo (Kenya) ont subi des violations de leurs droits fondamentaux au logement, à l’emploi, à l’éducation et à l’approvisionnement en eau.

Une fois les aéroports opérationnels, les populations avoisinantes sont exposées aux polluants émis par les avions et à des niveaux sonores très élevés. En Californie (USA) de tels problèmes ont poussé les communautés susceptibles d’être touchées par la construction d’un centre de fret à l’aéroport San Bernardino à former une large coalition. Les fuites de kérosène peuvent contaminer les réserves d’eau. De graves fuites de carburants provenant d’installations approvisionnant deux bases aériennes américaines, Kirtland AFB et la Red Hill Bulk Storage Facility à Hawaii, ont été recensées et une nouvelle installation fournissant du kérosène à l’aéroport de Vancouver menace aussi de pollution la Fraser River.

Cartographier pour créer du lien

La cartographie des résistances contre des projets aéroportuaires et leurs injustices est un outil destiné à créer ou renforcer des liens entre les différentes populations affectées à l’échelle mondiale. Elle favorise le développement d’une solidarité internationale dans ce domaine. Un webinaire organisé le 7 mai 2020 présente la carte des conflits aéroportuaires et l’analyse des informations qui ont été compilées. Cette carte est un un projet coordonné par le réseau Rester sur Terre (Stay Grounded). Nous remercions les organisations et militants pour le partage d’information réalisé. L’équipe de recherche est coordonnée par Rose Bridger (Stay Grounded/Global Anti-Aerotropolis Movement – GAAM) et Sara Mingorria ( Institut de Science et Technologie Environnementales de l’Université Autonome de Barcelone ICTA-UAB).

Participez

Nous vous encourageons à participer à la mise à jour de la carte et à y intégrer de nouveaux sites. Pour prendre contact :
mapping[at]stay-grounded[dot]org