Nouvelle parution

Carte des résistances aux injustices engendrées par les aéroports

80 cas d’expropriation et de destruction de l’environnement dans le monde entier.

Cette carte interactive regroupe des études de cas illustrant la diversité des injustices liées aux projets aéroportuaires.

Aux quatre coins du monde, les projets aéroportuaires génèrent de graves impacts sociaux et environnementaux : expropriations, déplacements de population, destructions d’écosystèmes, pollutions locales et problèmes sanitaires. Cette nouvelle carte basée sur des recherches scientifiques présente 80 exemples détaillés de conflits générés par des projets aéroportuaires de par le monde. Ces recherches ont également identifié plus de 300 projets (aéroportuaires) qui suscitent des conflits et mériteraient une enquête plus poussée.

Des projets de construction et d’extensions d’aéroports se poursuivent dans de nombreux pays malgré l’importante chute du trafic aérien depuis le début de la pandémie de Covid-19. La croissance du transport aérien, où qu’elle se produise, contribue au réchauffement climatique de la planète. Le secteur aérien qui consomme une grande quantité d’énergies fossiles est une source majeure et croissante d’émissions de gaz à effet de serre. En faisant l’inventaire d’une multitude de luttes locales contre des projets aéroportuaires, cette carte contribue à un vaste mouvement mondial, qui prône la décroissance de l’aviation et une transition vers un système de mobilité juste et durable.

“L’exploitation des écosystèmes et des communautés locales au bénéfice d’infrastructures aéroportuaires doit cesser. L’effondrement actuel du trafic aérien est l’occasion de procéder à une réduction équitable du trafic. Cela passe par un arrêt de la construction de tout nouvel aéroport et de tout agrandissement d’aéroports existants,” précise Rose Bridger, de Stay Grounded.

Les recherches ont été menées par EnvJustice, projet de l’Institut de Sciences et Technologies Environnementales de l’Université autonome de Barcelone (ICTA-AB) en collaboration avec le réseau Stay Grounded / Rester sur Terre.

Des victoires inspirantes

Nos recherches mettent en lumière le combat de nombreuses communautés du monde entier contre les expropriations de leurs habitations et de leurs terres, conséquences de la croissance du secteur aérien, et pour la protection des forêts et des écosystèmes en zones humides ou côtières. Notre carte interactive, première du genre, répertorie une multitude d’injustices engendrées par les aéroports, et de mouvements de résistance inspirants.” confient Sara Mingorria de EnvJustice (ICTA-UAB) et Rose Bridger de Stay Grounded.

La construction de deux nouveaux aéroports, qui menaçaient de détruire des terres agricoles à Nantes (France) et Aranmula Greenfield Airport ont été suspendues, de même qu’un projet de nouvel aéroport au Bangladesh qui aurait bétonné une grande partie de la zone humide d’Arial Beel (la 3e plus grande du Bangladesh). La construction d’un aéroport sur l’île de Koh Phangan (Thailande) a été stoppée après la destruction illégale d’une partie de la forêt en lien avec le projet. Mais dans beaucoup de cas (17 %), l’opposition au développement aéroportuaire engendre des délais plutôt que des abandons, comme c’est le cas pour les projets de 3e piste aux aéroports d’. Heathrow (RU) et Vienne (Autriche). Le fait qu’un projet aéroportuaire puisse être réactivé, ou le soit effectivement, maintient les populations touchées dans une incertitude et une détresse perpétuelles.

Covid-19 et crise climatique

Malgré l’importante chute du trafic aérien depuis le début de la pandémie de Covid-19, les projets et les chantiers de nouveaux aéroports et d’extensions d’aéroports existants continuent, entraînant avec eux des injustices sociales et environnementales.

Un exemple parmi d’autres est le projet d’agrandissement de l’aéroport de Noon Mafaaru aux Maldives, qui causerait des dommages importants et irréversibles à la communauté locale ainsi qu’à l’environnement. L’extension a reçu un feu vert ministériel l’an dernier, au mépris de la décision de l’Agence de Protection Environnementale des Maldives (EPA) de stopper le projet.

“Le Gouvernement des Maldives souhaite construire un aéroport à moins de 30 minutes de transport de n’importe quel point du pays. Ce projet est en contradiction avec la crise climatique et la pandémie de Covid-19, avec son impact néfaste sur l’industrie touristique nationale. Alors que les Maldives croulent sous les dettes dues à la corruption et aux malversations et subissent un effondrement de leur économie, le business-as-usual est toujours de mise. A qui profitent ces projets financièrement irréalisables et qui sont des catastrophes écologiques ? Certainement pas au peuple Maldivien !”, soulève Humay Abdulghafoor de l’initiative locale “Save Maldives Campaign” qui a contribué aux recherches et études de cas avec plusieurs autres bénévoles.

D’autres cas ont été répertoriés sur la carte, comme par exemple :

  • L’évacuation de plus de 4000 hectares de terres agricoles pour l’aéroport de Ekiti (au Nigeria), alors même que certains agriculteurs concernés refusent de quitter leurs plantations ;
  • La construction de l’aéroport de Santa Lucia (Mexique), un projet qui nuira aux ressources en eau et mettra en danger les nappes aquifères, et accélérera la conversion de terres agricoles en zone urbaine bien au-delà du périmètre initial du projet ;
  • Le financement par le gouvernement de la construction d’un nouvel aéroport sur l’île de Barbuda, un projet imposé sans concertation avec la communauté, qui a déjà détruit des zones forestières et des pâturages ;
  • La construction de l’aéroport de New Phnom Penh (Cambodge), un des plus grands aéroports du monde en termes de surface occupée, alors que les villageois menacés de perdre les terres qui les nourrissent sont toujours en conflit.
Expropriations et déplacements de population

De nombreux cas répertoriés et analysés concernent des communautés impactées qui s’opposent à l’acquisition de nouvelles terres au profit de projets aéroportuaires. Comme par exemple l’aéroport de Karad en Inde, où, depuis 2011, des petits fermiers résistent à l’acquisition de terres agricoles fertiles au profit d’un projet d’extension

“L’expansion de l’aéroport de Karad n’aidera pas le développement, il se fera au détriment des fermiers. Des terres agricoles ainsi que leur système d’irrigation, sur lesquelles les habitants de six villages ont travaillé pendant 50 ans, sont menacées. L’accaparement de ces terres au profit du projet d’aéroport représenterait une grosse perte pour environ 25 000 personnes qui dépendent de cette activité agricole,” explique Sandeep Shinde, membre de la communauté qui s’oppose à l’extension de l’aéroport de Karad.

Sont aussi référencés sur la carte d’autres cas similaires de réquisition de terres déclenchant des conflits : les aéroports de Navi Mumbai, Salem et Purandar en Inde ; l’aéroport de Lombok, en Indonésie ; l’aéroport de Guadalajara , au Mexique ; l’aéroport international Julius Nyerere, en Tanzanie et l’aéroport de Douala Airport, au Cameroun. Des milliers de personnes ont été impactées par la menace ou la réalisation d’une expropriation les chassant de leurs foyers ou de leurs terres. Les principaux impacts environnementaux négatifs de l’expansion du secteur aérien sont la déforestation (Creel, au Mexique ; aéroport de Mopa, en Inde ; aéroport de Mattala , au Sri Lanka) et la destruction de zones humides (l’estuaire du Tagus , au Portugal), de mangroves (aérotropole de Bulacan, aux Philippines) et d’autres écosystèmes côtiers (aéroport de Noonu Maafaru , aux Maldives ; aéroport de Sanya Hongtangwan, en Chine; aéroport de Tioman, en Malaysie).

Impact sur les communautés, les terres, l’environnement et pollution accrue

La construction d’un aéroport peut détruire les communautés locales, les travaux de terrassement provoquant une instabilité des sols (aéroport de Pakyong, en Inde), une poussière excessive (CVG Airport, aux USA) ou des perturbations du système hydrologique (aéroport Isaiolo, au Kenya). Les activités aéroportuaires engendrent une pollution de l’air ainsi qu”une pollution sonore au sein des communautés avoisinantes (aéropot de San Bernardino , aux USA) et plusieurs grosses fuites de kérosène ont été répertoriées (base de l’Air Force Kirtland et Red Hill Storage Facility, aux USA).

Les aéroports étant des méga-infrastructures, ils exigent la création de réseaux de transport terrestres et, dans de nombreux cas, favorisent l’expansion urbaine et la spéculation sur les terres, dont l’ampleur est accrue par tout un ensemble de projets annexes : autoroutes, voies ferrées, complexes touristiques, et projets immobiliers, qui à leur tour génèrent d’autres impacts et conflits sociaux et environnementaux.

“Les projets aéroportuaires provoquent l’expropriation, la déprédation et l’urbanisation accélérée des territoires appartenant aux peuples. Les menaces qu’ils représentent dépassent largement les sites de construction et ont un impact social et environnemental négatif. Des travaux en lien avec le nouvel aéroport de New Mexico par exemple, ont provoqué la destruction de collines sacrées afin d’en extraire des matériaux de construction, le déversement de boues toxiques et l’expropriation de maisons et de terres pour la construction d’une nouvelle autoroute pour relier l’aéroport” explique Gabriela Vega Tellez du Coordinadora de Pueblos y Organizaciones del Oriente del Estado de México (CPOOEM), membre du Congrès Indigène National.

Alors que la plupart des projets aéroportuaires répertoriés visent à augmenter la capacité d’accueil de passagers, certains sont destinés à développer le trafic fret, comme aux aéroports d’Obudu, Ogun et Ebonyi au Nigeria. Certains aéroports sont dédiés à la livraison d’équipements lourds destinés à des projets de développement d’énergie fossile, comme l’aéroport de Komo , en Papouasie Nouvelle Guinée ; l’aéroport et la base d’approvisionnement de Suai , au Timor-Leste, et le parc pétrochimique industriel de Hoima, en Ouganda. La piste d’Afungi et les installations de chantier, nécessaires au mégaprojet de gaz naturel liquide de Total à Cabo Delgado, au Mozambique, ont été fortement médiatisés alors que le conflit s’intensifiait dans la région, menant au retrait de la société. Dans plusieurs autres cas, on a affaire au développement de véritables aérotropoles (villes aéroportuaires) : des aéroports de sites industriels et commerciaux liés à l’aéronautique. Citons, par exemple, l’aéro city de Shivdaspura et l’aerotropolis d’Andal, en Inde ; le deuxième aéroport de Jeju Airport, en Corée du Sud ; les aéroports de Kertajati et Kulon Progo, en Indonésie; les villes aéroportuaires de KXP , en Malaisie, d’Anambra, au Nigeria.

La carte des injustices engendrées par les aéroports est un projet coordonné par le réseau Stay Grounded / Rester sur Terre et EnvJustice project projet de l’Institut de Sciences et Technologies Environnementales Science de l’Université Autonome de Barcelone ICTA-UAB. Les informations proviennent d’organisations, de journalistes, de militants et d’universitaires. Le projet de recherche a été co-fondé et est coordonné par Rose Bridger (Stay Grounded/Global Anti-Aerotropolis Movement-GAAM) et Sara Mingorría (Stay Grounded/EnvJustice ICTA-UAB); Yannick Deniau (EnvJustice/GeoComunes) et Mira Kapfinger (Stay Grounded) ont rejoint l’équipe de coordination en cours de projet.

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