Un décret absurde va permettre de maintenir les vols entre Lyon et Marseille
16 Fév, 2023

Alors que la loi Climat et résilience interdit les vols intérieurs quand le train assure la liaison en moins de 2h30 (seuil nettement en deçà de ce qui avait été préconisé par la Convention citoyenne pour le climat), le décret d’application prévoit plusieurs exceptions dont certaines sont particulièrement choquantes. C’est le cas de Lyon-Marseille, mis en lumière par France 5 dans Sur le front du 15 février 2023 (29’25). Le trajet en TGV ne dure qu’1h30, mais Air France va pouvoir continuer à exploiter la ligne aérienne.

Voyons quelles règles ont été imaginées par la France pour contourner le refus de Bruxelles de maintenir les vols assurant des correspondances, comme le voulait la loi :

  1. Lorsque le plus important en termes de trafic des deux aéroports concernés possède une gare TGV, c’est celle-ci qui doit être retenue. Sinon, c’est la gare centrale de la ville desservie par l’aéroport ;
  2. La liaison ferroviaire doit être directe,
  3. être assurée plusieurs fois par jour, avec des fréquences suffisantes et des horaires satisfaisants,
  4. et permettre plus de huit heures de présence sur place dans la journée.

Première difficulté : les aéroports de Lyon et Marseille ont des trafics assez proches. Mais alors qu’en 2018 et 2019 Lyon devançait Marseille, la tendance s’est inversée avec la crise du Covid, et Marseille est passé en tête en 2021 (et l’était toujours en 2022). Selon la règle N°1, comme l’aéroport le plus important, celui de Marseille n’a pas de gare TGV, c’est la gare de Marseille Saint-Charles qui doit être retenue d’un côté, et Lyon Part-Dieu de l’autre. Mais ce n’est apparemment pas ce qu’a fait le gouvernement.

Deuxième difficulté : les aéroports étant d’importance similaire, il y a a priori autant de Lyonnais qui vont prendre l’avion à Marseille Provence que de Marseillais qui vont prendre l’avion à Lyon Saint-Exupéry. Il faut donc considérer les deux cas de figure et comparer les services offerts par Air France d’un côté (seule compagnie assurant aujourd’hui la liaison aérienne) et la SNCF, de l’autre, entre Marseille Saint-Charles et Lyon Part-Dieu.

Mais alors, première absurdité, un Marseillais souhaitant prendre le train pour rejoindre l’aéroport de Lyon ne va évidemment pas prendre un TGV pour Lyon Part-Dieu, puis prendre le tram, alors qu’il y a une gare TGV à l’aéroport. Et inversement, deuxième absurdité, un Lyonnais souhaitant prendre le train pour rejoindre l’aéroport de Marseille ne va pas aller jusqu’à Marseille Saint-Charles, mais probablement descendre à Aix-en-Provence TGV, plus proche de l’aéroport.

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Si on suit la logique voyageur, comme on peut le constater dans le tableau ci-dessous (données au 15/02/2023), la SNCF est globalement plus performante qu’Air France, et on ne voit pas bien ce qu’elle pourrait faire de mieux pour faire tomber la liaison aérienne.

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Si on suit la logique gouvernementale et qu’on prend Lyon Saint-Exupéry comme gare de référence (ce qu’a apparemment fait le gouvernement bien que l’aéroport de Lyon ait maintenant moins de trafic que celui de Marseille), on voit que pour les Marseillais, l’offre de la SNCF est sensiblement équivalente à celle d’Air France. Par contre, pour les Lyonnais se rendant à Marseille, l’offre de la SNCF apparaît insuffisante. Mais la SNCF doit-elle mettre plus de trains alors qu’on ne voit pas bien pourquoi les Lyonnais iraient prendre le TGV à Saint-Exupéry, et qu’il y a une offre abondante à Part-Dieu !

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Ce n’est pas la faute de la SNCF !

Si on prend le temps d’analyser la situation, on ne peut conclure comme Hugo Clément dans Sur le Front, que « la SNCF n’a pas mis assez de trains ». Même si des améliorations sont encore possibles, la raison du maintien de la ligne aérienne n’est pas celle-là. La liaison Lyon-Marseille sera maintenue parce que le gouvernement a décidé de maintenir les vols en correspondance et a façonné des règles ad hoc pour contourner le refus de Bruxelles.

Des règles précises sont bien évidemment nécessaires, mais en l’occurrence celles qui figurent dans ce décret d’application ne permettent pas de justifier le maintien de la ligne aérienne. Nous demandons au gouvernement de revoir ces règles afin de refléter la réalité des besoins des voyageurs. Et aux voyageurs de privilégier le train sans attendre une éventuelle interdiction.

Complément ajouté le 26/05/2023 : le décret paru au JO du 23 mai 2023 précise le critère à utiliser pour déterminer l’aéroport ayant le plus fort trafic : c’est le trafic moyen constaté au cours des sept dernières années qui doit être pris en compte. Dans le cas de la liaison Lyon-Marseille, c’est donc Lyon qui doit être considéré comme le plus grand des deux aéroports. Cela ne fait que renforcer notre conclusion que le décret a été taillé sur mesure pour sauver la liaison aérienne Lyon-Marseille.

Lire aussi : Interdiction des vols courts : comment le gouvernement va autoriser les vols en correspondance malgré le refus de Bruxelles

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