FICHES GREENWASHING AVIATION
Ce que le secteur aérien nous dit et ce qu’il ne DIT PAS
Ce qu’il faut savoir sur les promesses de décarbonation et les solutions illusoires
En examinant de plus près ce que le secteur nous dit et ce qu’il ne nous dit pas, nous déconstruisons, dans cette série de fiches, les idées fausses les plus répandues et démystifions ses promesses.

- Amélioration de l’efficacité
- L’avion électrique
- L’avion à hydrogène
- Bio/Agro-carburants
- E-carburants
- Neutralité carbone
- Compensation carbone
- Technologies d’émissions négatives
Amélioration de l’efficacité
L’efficacité des avions est liée à la quantité de carburant consommée par un avion pour transporter sa charge utile (passagers et fret) sur une distance donnée. L’efficacité peut être améliorée en optimisant la conception des avions et de leurs moteurs, en optimisant les opérations des compagnies aériennes (la trajectoire de vol par exemple) et en augmentant le nombre de passagers ou la quantité de fret transportés à bord d’un même appareil.
La quantité de CO2 émise par passager-km est proportionnelle à la consommation de carburant ; elle est donc d’autant plus faible que l’efficacité est grande.

L’avion électrique

L’avion à hydrogène

Bio/Agro-carburants
Les bio/agro-carburants aviation sont des hydrocarbures liquides qui peuvent être utilisés par les avions actuellement en service en mélange avec le kérosène fossile. Avec les e-carburants (voir fiche N° 5 E-carburants), ils sont regroupés par le secteur aérien sous la dénomination de « Carburants d’aviation durables » (CAD ou SAF en aglais), ce qu’ils ne sont pas, comme nous le démontrons dans cette fiche.
Les bio/agro-carburants aviation sont produits à partir de biomasse et d’hydrogène.Les agrocarburants (première génération) utilisent des cultures alimentaires. En raison de leurs inconvénients, le secteur est tenu par la législation européenne d’utiliser des « déchets et résidus » industriels, municipaux, agricoles ou forestiers comme matières premières.
À l’heure actuelle, les seuls biocarburants aviation de ce type ayant fait leurs preuves à l’échelle industrielle, les HEFA (esters et acides gras hydrogénés), sont fabriqués à partir de matières premières dénommées « huiles alimentaires usagées (HAU) » ou « graisses animales » (en provenance des abattoirs).
Mais il faut savoir que ces dénominations font l’objet de larges détournements, notamment lorsque de
l’huile de palme vierge est étiquetée « HAU ». Quant aux « biocarburants avancés » issus de biomasse lignocellulosique (bois, paille…), aucun procédé n’a jamais atteint une échelle industrielle et ne l’atteindra sans doute jamais. L’hydrogène, bien que rarement évoqué, est requis dans tous les procédés certifiés de fabrication de bio/agro-carburants aviation, mais il reste aujourd’hui principalement produit à partir de
combustibles fossiles (voir fiche N° 3 L’avion à hydrogène).

E-carburants
Les carburants d’aviation alternatifs également appelés « carburants d’aviation durables » (Sustainable Aviation Fuels, SAF) sont des hydrocarbures liquides qui peuvent être utilisés par les avions actuellement en service, à la place du kérosène dérivé du pétrole. Le secteur aérien considère que ces carburants sont durables parce qu’ils sont fabriqués à partir de CO2 prélevé dans l’atmosphère, et non à partir de pétrole extrait du sous-sol, qui ajoute du CO2 à l’atmosphère en brûlant. Leur argument est que le mélange de ces carburants avec des carburants fossiles réduirait donc les émissions.
Il existe deux grandes catégories de carburants d’aviation alternatifs:
- Les biocarburants produits à partir de biomasse (voir Fiche N° 4)
- Les électrocarburants synthétiques (e-carburants) produits à partir d’électricité (voir ci-dessous)
Les électrocarburants synthétiques, ou e-carburants, sont obtenus en combinant de l’hydrogène et du carbone pour former un hydrocarbure liquide. Afin de limiter les émissions, l’hydrogène doit être extrait de l’eau par électrolyse à l’aide d’électricité renouvelable et le dioxyde de carbone doit être extrait de l’air par capture atmosphérique directe (Direct Air Capture, DAC). Les deux molécules sont ensuite combinées par le procédé Fischer-Tropsch (FT) pour former des hydrocarbures1. L’énergie requise doit également être renouvelable.
Les électrocarburants sont également connus sous le nom de carburants synthétiques (Synfuels) ou de carburants liquides issus de la conversion d’électricité (Power-to-Liquid, PtL). Les e-carburants, comme les biocarburants, sont des carburants de substitution qui pourraient être mélangés au kérosène fossile et utilisés par les avions existants.
A première vue, les e-carburants semblent être l’arme ultime pour décarboner le transport aérien : utilisation possible dans tous les types d’avions actuellement en service, quel que soit leur rayon d’action ; matières premières très abondantes (eau et air) ; électricité générée à partir du soleil et du vent – des énergies très abondantes. Alors pourquoi n’y a-t-il encore aucun avion utilisant ce type de carburants et pourquoi n’y en aura-t-il que très peu avant une dizaine d’années ? Principalement parce que la production d’e-carburants gaspille énormément d’énergie, alors qu’on sait qu’il n’y aura déjà pas suffi samment d’énergies renouvelables pour décarboner les autres secteurs dans les décennies à venir. Mais aussi parce que c’est un nouveau secteur à créer de toutes pièces, qui doit achever le développement des procédés et mettre en place toute la filière.

Neutralité carbone
La neutralité carbone est aujourd’hui l’objectif principal de la plupart des stratégies climatiques des secteurs économiques et des gouvernements. Pour sa part, le secteur aérien s’est engagé à atteindre zéro émissions nettes de CO2 d’ici 2050.
Selon le GIEC1, les émissions nettes de CO2 sont égales à zéro lorsque les émissions anthropiques de CO2 restantes sont compensées à l’échelle de la planète par des éliminations anthropiques de CO2. Cela signifie que certaines émissions « difficiles à réduire » sont encore autorisées, à condition que des quantités équivalentes de CO2 soient retirées de l’atmosphère. On parle aussi de neutralité carbone. Lorsque tous les gaz à effet de serre sont pris en compte, on parle de zéro émissions nettes ou de neutralité climatique.
L’élimination de dioxyde de carbone fait référence aux moyens de retirer du CO2 de l’atmosphère en complément du piégeage naturel du cycle du carbone. Elle peut être réalisée soit en augmentant les puits bio- ou géochimiques de CO2, soit en utilisant des procédés industriels pour capter le CO2. L’élimination de dioxyde de carbone est l’une des deux possibilités de compensation carbone 2 à côté des crédits pour émissions « évitées ».

Compensation carbone
La compensation carbone repose sur des « unités » de gaz à effet de serre (GES) vendues par des entités revendiquant les avoir retirées de l’atmosphère ou avoir évité ou réduit leur émission, et achetées par d’autres entités pour tenter de compenser leurs propres émissions.
La compensation carbone joue un rôle important dans de nombreux plans actuels de réduction des émissions et peut être utilisée par des systèmes d’échange de quotas comme c’est le cas en Californie. Basée sur des projets situés pour la plupart dans les pays du Sud global, elle est utilisée par les États et les entreprises (appartenant surtout au Nord global) pour se mettre en conformité. La plupart des échanges ont lieu sur des marchés du carbone spécialisés.
Le secteur aérien fait un large recours à la compensation carbone. L’OACI (Organisation de l’aviation civile internationale), l’organisme des Nations unies en charge du secteur, est parvenue à un accord sur un système commun pour les vols internationaux, dénommé CORSIA (Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation, Régime de compensation et de réduction de carbone pour l’aviation internationale).
Certains pays comme la France disposent de systèmes de compensation particuliers pour les vols à l’intérieur de leurs frontières. Les passagers aériens peuvent également se voir proposer de compenser leur voyage lorsqu’ils effectuent une réservation auprès de compagnies aériennes ou d’agences de voyage, et dans certains cas la compensation carbone est même incluse dans le prix du billet. Souvent les aéroports se « verdissent » en compensant les émissions de leur activité au sol et en font un argument pour inciter les gens à utiliser leurs services, sans se soucier des émissions des avions.

Technologies d’émissions négatives
Comme la plupart des gouvernements et de nombreux secteurs, le transport aérien s’est donné pour objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Mais cet objectif est insuffisant pour répondre à l’ambition de l’accord de Paris, qui suppose une réduction importante des émissions à court terme, ce que le secteur ne semble pas en mesure, ou ne pas avoir la volonté de réaliser (voir fiche #6 : Neutralité carbone – Zéro émissions nettes). Celui-ci justifie son niveau élevé d’émissions, voire leur augmentation, en arguant du recours à des émissions négatives (également appelées « élimination du dioxyde de carbone » (CDR) ou « élimination des gaz à effet de serre » (GHGR), dans un futur relativement éloigné. C’est également une stratégie dangereuse et risquée, comme nous l’expliquons dans cette fiche.
Les « technologies d’émissions négatives » (NET) désignent les processus industriels (par opposition aux processus naturels tels que la croissance des arbres) qui éliminent le dioxyde de carbone (CO2) en le captant dans l’atmosphère et en le stockant, en principe de manière permanente. Les technologies généralement proposées sont les suivantes (1) :
- Captage direct dans l’air et stockage du dioxyde de carbone (DACCS) : captage du CO2 de l’atmosphère par des procédés industriels et stockage sous terre.
- Bioénergie avec captage et stockage du dioxyde de carbone (BECCS) : production d’énergie à partir de biomasse, puis stockage sous terre ou dans le sol d’une partie du CO2 émis.
