FICHES GREENWASHING AVIATION
Ce que le secteur aérien nous dit et ce qu’il ne nous DIT PAS
Ce qu’il faut savoir sur les promesses de décarbonation et les solutions illusoires
En examinant de plus près ce que le secteur nous dit et ce qu’il ne nous dit pas, nous déconstruisons, dans notre nouvelle série de fiches, les idées fausses les plus répandues et démystifions ses promesses.
- Amélioration de l’efficacité
- L’avion électrique
- L’avion à hydrogène
- Agro et biocarburants
- E-carburants
- Neutralité carbone
- Compensation carbone
- Technologies d’émissions négatives
Amélioration de l’efficacité
L’efficacité des avions est liée à la quantité de carburant consommée par un avion pour transporter sa charge utile (passagers et fret) sur une distance donnée. L’efficacité peut être améliorée en optimisant la conception des avions et de leurs moteurs, en optimisant les opérations des compagnies aériennes (la trajectoire de vol par exemple) et en augmentant le nombre de passagers ou la quantité de fret transportés à bord d’un même appareil.
La quantité de CO2 émise par passager-km est proportionnelle à la consommation de carburant ; elle est donc d’autant plus faible que l’efficacité est grande.
L’EFFICACITÉ NE DÉCARBONE PAS LE SECTEUR AÉRIEN
Une idée fausse très répandue dans le secteur aérien est que l’on peut décarboner l’activité en améliorant l’efficacité des avions d’année en année. On entend ainsi assez souvent des affirmations fallacieuses telles que : « depuis l’arrivée des avions à réaction, les émissions de dioxyde de carbone des avions ont baissé de 80 % ».1
Il est vrai que ces améliorations ont permis de réduire les émissions par passager-kilomètre, mais elles ont également permis de réduire le coût des billets. Avec les exonérations fiscales et les subventions accordées au secteur aérien, ainsi que l’augmentation du pouvoir d’achat, cela a entraîné une croissance rapide du trafic aérien, qui a doublé tous les 15 ans. L’augmentation des émissions de CO2 qui en a résulté a largement dépassé les gains permis par les améliorations d’efficacité (voir l’infographie). [see infographic]
En même temps que l’efficacité des avions s’améliore, certaines compagnies aériennes réduisent leur efficacité par siège en augmentant le nombre de sièges en classe affaires ou en première classe, plus rentables. Leurs avions vont également plus loin (ultra long-courrier), ce qui fait consommer plus de carburant, même aux avions efficaces. Par ailleurs, une nouvelle génération d’avions supersoniques est en cours de développement 2 ; ils nécessiteraient jusqu’à neuf fois plus d’énergie par passager-kilomètre que les avions subsoniques3. L’utilisation des jets privés et d’affaires a également augmenté et ceux-ci sont 5 à 14 fois plus polluants que les avions commerciaux en raison de leur faible densité de passagers ou de leur vitesse de croisière plus élevée.4
Avant la pandémie du COVID-19, Airbus avait prévu que le trafic aérien doublerait à nouveau d’ici le milieu des années 2030, puis encore une fois d’ici 2050. Cela représente une multiplication par 8 par rapport au niveau de 20005, soit une croissance moyenne de 4,2 % par an. Malgré l’effondrement du trafic aérien dû au COVID-19, le secteur aérien prévoit toujours un taux de croissance d’environ 4 % par an de 2024 à 2038.6
L’atmosphère terrestre n’est pas affectée par les émissions par passager-kilomètre, mais par les émissions totales. Or celles-ci ont rapidement augmenté plutôt que diminué.
Dans un secteur peu réglementé, les améliorations de l’efficacité favorisent la croissance du marché et entraînent une augmentation des émissions totales plutôt que leur réduction. Ce phénomène est connu sous le nom de paradoxe de Jevons7. Par conséquent, on ne peut compter sur les seuls gains d’efficacité pour décarboner le secteur aérien, il faut également des réglementations pour limiter le trafic.
Augmenter le coût du kérosène afin d’inciter à en réduire la consommation est une des solutions possibles pour limiter les émissions du transport aérien. En outre, une taxe proportionnelle au nombre de voyages effectués ou au nombre de kilomètres parcourus dans une année pourrait dissuader les grands voyageurs8. Il existe des exemples historiques d’augmentation du prix du kérosène, notamment lors de la crise pétrolière déclenchée par l’OPEP dans les années 1970-80. A cette époque, on a assisté à une accélération des développements technologiques dans l’aéronautique, car l’incitation à réduire la consommation de carburant s’était accrue. Le concept de réacteur « Open Rotor » a été testé en vol lors de cette période. Ces développements novateurs ont été ensuite mis en veilleuse lorsque le prix du pétrole a retrouvé son niveau antérieur, dans les années 1990, et ils ne pourront reprendre tant que son prix restera faible9. Cet exemple démontre que la réalité ne correspond pas au récit élaboré par les compagnies aériennes et le secteur aéronautique10. Les charges financières qu’on pourrait imposer aux compagnies aériennes, telles que l’augmentation des taxes sur les billets ou l’instauration de taxes sur le carburant, ne réduiraient pas, comme elles l’affirment, les dépenses consacrées aux nouvelles technologies et aux nouvelles procédures opérationnelles11 ; au contraire, elles renforceraient la motivation du secteur à rechercher de plus grandes améliorations d’efficacité.
Notes
1 The Engineer (2019): https://bit.ly/interview-newby
2 BBC (2021): https://bit.ly/bbc-supersonic
3 Kharina, A et al. (2018): https://bit.ly/icct-supersonic
4 Murphy, A et al. (2021): https://bit.ly/TE-PrivateJets
5 Airbus (2019): https://bit.ly/AirbusMarketForecast
6 ATAG (2020): https://bit.ly/atag-report
7 Wikipedia: https://bit.ly/Paradoxe_Jevons
8 Stay Grounded (2018): https://bit.ly/FFL-AML
9 Wikipedia (2021): https://bit.ly/Propfan
10 Further reading: Peeters, P et al. (2016): https://bit.ly/myths-tech
11 Flightglobal (2020): https://bit.ly/KLM-tax-claim
L’avion électrique
LES AVIONS ÉLECTRIQUES NE SERONT PAS ZÉRO ÉMISSION DE SITÔT
Les avions 100% électriques sont alimentés par des batteries. Si les batteries sont chargées en n’utilisant que de l’électricité renouvelable, l’exploitation de l’avion peut être considérée comme « zéro émission ». Cependant, nous sommes encore loin de la décarbonation totale de la production d’électricité. De ce fait, toute consommation supplémentaire générée par de nouvelles activités à forte intensité énergétique rendra plus difficile l’abandon des combustibles fossiles. Par ailleurs, la fabrication des avions et des batteries a des répercussions sociales et environnementales importantes, liées à l’extraction des matériaux nécessaires tels que le lithium et le cobalt et à la production des composants. Par conséquent, même les avions 100 % électriques ne peuvent pas être considérés comme « zéro émission ».
Les avions hybrides-électriques consomment du kérosène et continuent de ce fait à émettre du CO2 et d’autres gaz à effet de serre pendant leur fonctionnement. Ils ne sont donc pas « zéro émission ». Ces systèmes hybrides-électriques ouvrent la voie à de nouvelles architectures pour les avions et les moteurs, telles que la propulsion distribuée, qui pourraient améliorer les propriétés aérodynamiques des avions. Toutefois, ces améliorations risquent souvent d’être annihilées par un surcroît de complexité.
LES AVIONS ÉLECTRIQUES NE SONT PAS EFFICACES
L’avion est un mode de transport extrêmement inefficace et difficile à électrifier. Il ne doit pas être favorisé par rapport aux transports terrestres, plus efficaces et plus faciles à électrifier. En effet, les avions utilisent une grande quantité d’énergie pour décoller ainsi que pour monter à leur altitude de croisière et sont plus pénalisés par le poids des batteries et des systèmes électriques1. Là où l’infrastructure le permet, les transports terrestres moins consommateurs d’énergie et moins émetteurs, tels que le train, l’autocar ou le ferry, doivent être préférés sur les courtes distances où l’avion électrique est envisageable. De nombreuses start-up d’assez petite taille tentent de développer des avions électriques et de les faire certifier dans les dix ans qui viennent.
De nombreux investissements visent à développer des avions électriques à décollage et atterrissage verticaux (eVTOL)2. Ces appareils sont conçus pour décoller et atterrir sur des héliports ou des pistes courtes, afin de permettre une exploitation flexible un peu partout. Cependant, ces appareils sont encore plus énergivores que les avions électriques classiques à voilure fixe, car ils ont besoin de davantage de puissance au décollage et à l’atterrissage et présentent un poids et une résistance plus élevés pendant le reste du vol. On ne doit pas les considérer comme un progrès environnemental.
LA DÉCARBONATION SERA FORTEMENT LIMITÉE PAR UNE TROP COURTE PORTÉE ET UNE TROP FAIBLE CAPACITÉ
Les batteries et les systèmes électriques actuels sont beaucoup trop lourds pour remplacer les carburants fossiles et les moteurs à combustion.
Le directeur technique d’Airbus a affirmé que « même si on faisait d’énormes progrès dans la technologie des batteries, avec des batteries 30 fois plus efficaces et plus denses en énergie qu’aujourd’hui, il ne serait possible de faire voler un A320 que sur un cinquième de son rayon d’action avec seulement la moitié de sa charge utile »3. Il n’est donc pas envisageable que ce type d’avion, représentatif de ceux qui sont utilisés par les compagnies aériennes moyen-courrier qui opèrent à partir de la plupart des aéroports, puisse devenir électrique à court ou même à moyen terme. Seuls de très petits avions à faible rayon d’action seront électriques. Cela est confirmé par le fait que la plupart des entreprises qui veulent faire certifier des avions électriques dans les dix années qui viennent développent des appareils de moins de 10 passagers qui ne sont pas adaptés à la configuration actuelle de la plupart des aéroports. Par ailleurs, contrairement au carburant dont le poids diminue progressivement au cours d’un vol, une batterie ne perd pas de poids au cours du trajet. Cela a pour effet de réduire encore la charge utile et le rayon d’action de l’avion4.
Tout cela fait que d’ici 2050 les avions électriques ne seront viables que pour les vols courts d’au maximum 1000 km qui ne représentent que 17 % des émissions de CO2 du transport aérien5. Mais en réalité le potentiel de décarbonation des avions électriques est encore plus limité car, bien que l’avion électrique puisse se justifier dans des cas particuliers où les alternatives de transport terrestre sont insuffisantes, partout ailleurs les vols courts peuvent être substitués par le train, le ferry ou l’autocar.
LES GROS AVIONS ÉLECTRIQUES NE SONT PAS POUR DEMAIN
Les progrès dans la réduction du poids des batteries ne permettront pas aux avions électriques de surmonter leur handicap de sitôt. Le Directeur de la technologie de United Technologies a déclaré : « À moins que le stockage de l’énergie ne bénéficie d’un saut technologique, qui reste à faire, nous allons dépendre encore longtemps des hydrocarbures »6.
Selon le dernier rapport « Net Zero by 2050 »7, de l’Agence internationale de l’énergie (AIE)7, des avions commerciaux électriques à batterie et des avions à hydrogène devraient apparaître à partir de 2035. Cependant, ils ne devraient pas représenter plus de 2% de la consommation énergétique mondiale de l’aviation en 2050. Nous ne devons donc pas laisser les discours sur l’avion électrique nous détourner de la priorité qui est de réduire dès aujourd’hui les émissions du transport aérien.
Notes
1 GreenBiz (2018): https://bit.ly/electric-airplanes
2 FlightGlobal (2021): https://bit.ly/eVTOL-aircraft
3 BBC (2019): https://bit.ly/BBC-E-flight
4 Airbus (2019): https://bit.ly/airbus-electric
5 CleanSky2&FCH (2020): https://bit.ly/report-hydrogen
6 BBC (2019): https://bit.ly/BBC-E-flight
7 IEA (2021): https://bit.ly/iea-NetZero, p.136
L’avion à hydrogène
L’AVION À HYDROGÈNE NE PERMET PAS D’ATTEINDRE LES OBJECTIFS CLIMATIQUES
Même si le calendrier volontariste annoncé par Airbus en 2020 est respecté, il sera trop tard pour le climat. Selon le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), il faudrait réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) de 55 % d’ici 2030, et de 90 % d’ici 2050, afin de rester sous la barre des 1,5 °C de réchauffement fixée par la communauté internationale4. La conception de toute une gamme d’avions à hydrogène et la conversion de la flotte commenceraient trop tard et prendraient trop de temps pour atteindre cet objectif. Les avions ont en effet une durée moyenne d’exploitation de 25 ans.
Selon un rapport de la Commission européenne (CE) réalisé avec des acteurs clés du secteur, l’hydrogène serait surtout indiqué pour les vols régionaux et les court- et moyen-courriers. Pour les long-courriers, qui représentent environ un tiers des émissions du secteur, l’hydrogène ne serait pas économiquement compétitif par rapport aux e-carburants synthétiques avant 2050. D’ici là, le secteur aérien entend s’appuyer sur des carburants alternatifs pour ce segment, notamment des biocarburants et des e-carburants (voir les fiches N° 4 et 5). Plus récemment, Airbus a déclaré qu’un avion moyen-courrier n’était pas envisageable avant 2050 et que donc, avant cette date, l’hydrogène ne permettrait pas d’éviter plus de 20 % des émissions de CO26.
L’HYDROGÈNE NE RÉDUIRAIT QUE PARTIELLEMENT LES IMPACTS HORS CO2
Le rapport de la CE considère que l’impact total (les effect CO2 et non-CO2) de l’aviation sur le climat, en tenant compte des NOx, de la vapeur d’eau et des traînées de condensation, est 3,1 fois supérieur à celui du CO2 seul (voir la fiche sur les impacts hors CO2)7. Elle estime que cet impact total serait réduit de seulement 50 à 75 % par rapport au kérosène si l’hydrogène est brûlé dans les réacteurs, et de 75 à 90 % s’il alimente des piles à combustible. Mais cela reste très hypothétique.
LA PRODUCTION D’HYDROGÈNE “VERT” NÉCESSITERAIT D’ÉNORMES QUANTITÉS D’ÉLECTRICITÉ RENOUVELABLE
Les avions à hydrogène font partie d’une nouvelle économie de l’hydrogène qui vise à remplacer les combustibles fossiles là où ils sont difficilement substituables par l’électricité.
Pour être “décarboné”, l’hydrogène doit être fabriqué avec de l’électricité renouvelable (hydrogène « vert » > voir encadré).
Le défi est de taille, tant les besoins énergétiques sont énormes. En effet, il faut aussi de l’électricité pour :
- remplacer le charbon et le gaz dans les centrales électriques
- satisfaire les nouveaux besoins d’électricité (voitures, chauffage, informatique, etc…)
- remplacer l’hydrogène “gris”, produit à partir de combustibles fossiles, utilisé aujourd’hui dans des processus industriels et la production d’engrais par exemple
- satisfaire la nouvelle demande d’hydrogène pour les transports routier et maritime
- satisfaire la nouvelle demande pour fabriquer des e- carburants pour le secteur aérien
Dans un scénario où 40 % des avions de ligne seraient convertis à l’hydrogène liquide en 2050 et le reste de la flotte utiliserait des e-carburants, la demande d’électricité résultante correspondrait à la totalité de la production mondiale d’électricité actuelle, et à environ quatre fois la production d’électricité renouvelable de 20188. Plus la demande d’électricité augmente, plus le risque est grand que l’offre d’électricité renouvelable ne soit pas en mesure de répondre à cette demande et que des énergies non renouvelables soient utilisées.
LE SOUTIEN FINANCIER DES ÉTATS N’EST PAS JUSTIFIÉ : C’EST AU POLLUEUR DE PAYER !
Airbus affirme que « le soutien des gouvernements est essentiel pour atteindre ses objectifs, qu’il a besoin d’un financement accru pour la recherche et la technologie, la numérisation, ainsi que de mécanismes à même d’encourager l’utilisation de carburants alternatifs et d’accélérer le renouvellement des flottes. »9.
Cependant, sachant que la plupart des contribuables ne prennent que rarement ou jamais l’avion10, il serait inéquitable qu’ils subventionnent la recherche et le développement, d’autant plus que le succès commercial de l’hydrogène n’est pas assuré. Les échéances sont éloignées et le déploiement à grande échelle de l’avion à hydrogène constituerait un gaspillage d’énergie renouvelable, disponible en quantité limitée.
HYDROGÈNE GRIS, BLEU ET VERT
Ce code couleur fait référence à différents modes de production:
- Hydrogène gris : produit à partir de combustibles fossiles (méthane ou charbon)
- Hydrogène bleu : hydrogène gris + captage et stockage du dioxyde de carbone
- Hydrogène vert : produit par électrolyse de l’eau avec de l’électricité renouvelable
En 2018, la quasi-totalité de la production d’hydrogène était « grise », ce qui représentait 2 % des émissions mondiales de CO2. Seulement 0,5 % de la production était « verte », et une quantité infi- me était « bleue »11. L’hydrogène « bleu » n’a donc pas fait ses preuves à grande échelle et, en fin de compte, il ne permet pas de se passer de combustibles fossiles. Il pourrait même émettre plus de CO2 que l’utilisation directe d’hydrogène « gris »12.
Aujourd’hui, l’hydrogène est utilisé principalement pour le raffinage du pétrole et la production d’engrais azotés. Mais de nombreux secteurs, dont l’aérien, s’y intéressent dans le but de favoriser leur transition énergétique, dans le cadre d’une nouvelle économie de l’hydrogène.
À mesure que de nouvelles utilisations de l’hydrogène se développent, il est à craindre que le secteur pétrolier et gazier poursuive ses activités traditionnelles afin de répondre à la nouvelle demande, et continue à produire l’hydrogène à partir de combustibles fossiles au lieu de les laisser sous terre.
LA FAISABILITÉ EST LOIN D’ÊTRE ASSURÉE
L’avion à hydrogène n’a pas encore fait ses preuves. De nombreux problèmes techniques restent à résoudre, sans parler des questions de sécurité. On constate un certain scepticisme au sein-même du secteur. Boeing n’emboîte pas le pas d’Airbus13 et les motoristes émettent des réserves14. Le groupe Airbus a lui-même admis que l’hydrogène ne serait pas largement utilisé dans les avions avant 2050 et que seuls des avions régionaux de 50 à 100 places seraient opérationnels dans les années 2030, ce qui ne représente qu’une petite part des émissions de CO2 actuelles15. Une utilisation massive de ce type d’appareils aurait des répercussions importantes sur les opérations des compagnies aériennes. L’infrastructure aéroportuaire serait également très impactée, nécessitant de nouveaux aménagements, par exemple au niveau des pistes, des portes, des terminaux, du stockage du carburant et des équipements de maintenance. Il serait donc judicieux de mettre un coup d’arrêt à la croissance du secteur jusqu’à ce qu’on ait plus de visibilité sur l’avenir de l’avion à hydrogène.
Notes
1 BBC News (2010): https://bit.ly/bbc-hydrogen
2 Airbus (2020): https://bit.ly/airbus-zero
3 Airbus (2020): https://bit.ly/AirbusPod
4 UNEP (2019): https://bit.ly/UNEP-EmissionGap, p. 15
5 CleanSky2&FCH (2020): https://bit.ly/report-hydrogen
6 Reuters (2021): https://bit.ly/hydrogen-limits
7Rester sur Terre (2020) : https://bit.ly/Aviation-non-CO2
8 CleanSky2&FCH (2020): https://bit.ly/report-hydrogen
9 Airbus (2020): https://bit.ly/airbus-zero
10 Gössling, S. et al. (2020): https://bit.ly/Goessling-Global-Aviation
11 IEA (2021): https://bit.ly/IEA-hydrogen
12 Howarth, R. et al (2021): https://bit.ly/3AZRyqi
13 Simple flying (2021): https://bit.ly/Boeing-NoHydrogen
14 France TV (2020): https://bit.ly/interview-petitcolin
15 Reuters (2021): https://bit.ly/hydrogen-limits
Agro et biocarburants
Il existe deux grandes catégories de carburants d’aviation alternatifs:
- Les biocarburants produits à partir de biomasse (voir ci-dessous)
- Les électrocarburants synthétiques (e-carburants) produits à partir d’électricité (voir Fiche N° 5).
La production de biocarburants peut utiliser diverses sources de biomasse comme intrant. Les biocarburants de première génération utilisent des cultures agricoles. Les biocarburants de deuxième génération aspirent à utiliser des déchets industriels, agricoles, municipaux ou ménagers, tels que: huile de cuisson usagée, graisse, enveloppes de maïs, ressources forestières ou déchets alimentaires.
L’UTILISATION DE BIOCARBURANTS EST FORTEMENT RESTREINTE PAR LA DURABILITÉ ET LA DISPONIBILITÉ DE LA BIOMASSE
On entend souvent que les avions n’utiliseront que des biocarburants de deuxième génération dérivés de « déchets », évitant ainsi tout impact direct ou indirect sur leur durabilité. Toutefois, l’utilisation de biocarburants de première génération issus de cultures ou même d’arbres entiers n’est pas exclue. Ainsi, d’énormes raffineries de « carburants d’aviation durables » utilisant le soja comme matière première sont en projet au Paraguay1. Par ailleurs, ces carburants sont autorisés par le régime de compensation et de réduction de carbone pour l’aviation internationale (CORSIA), qui est le seul accord international et est en vigueur jusqu’en 20352. La menace d’un essor des cultures vivrières comme le soja ou l’huile de palme, présentant un risque élevé de déforestation, devient de plus en plus concrète à mesure que les politiques mettent en avant les avantages supposés des « carburants d’aviation durables ».
La monoculture de plantes à vocation énergétique dans des champs de grande taille augmente l’utilisation d’engrais, de pesticides et d’herbicides, avec leur lot d’effets dévastateurs sur l’environnement, la biodiversité et la santé. L’expansion de cultures comme le soja et le palmier à huile est source d’émissions de CO2 du fait de changements d’affectation des sols, pouvant avoir pour conséquence un bilan carbone égal, voire supérieur, à celui des carburants fossiles3 (Fig. 1). Elle peut également avoir des impacts humanitaires4 tels que des conflits fonciers, des abus en matière de travail, des hausses de prix alimentaires, des pénuries d’eau et des maladies chroniques dans les populations riveraines du fait de la pollution.
Le seul procédé actuellement en mesure de produire des biocarburants de deuxième génération pour l’aviation à une échelle commerciale utilise des huiles « usagées ». C’est le procédé actuellement utilisé pour produire du biogazole pour le secteur routier à une échelle commerciale, quoiqu’en quantités limitées. Il a été constaté que lorsque des huiles « usagées » sont utilisées pour produire de grandes quantités de biogazole, elles font défaut à d’autres secteurs qui doivent alors se tourner vers d’autres sources telles que l’huile de palme5. Leur utilisation peut également donner lieu à des fraudes, comme par exemple la vente d’huile de palme fraîche sous couvert de vente d’« huile de friture usagée »6. L’huile de palme ou ses dérivés sont en fait souvent utilisés, mais camouflés sous une autre appellation7. Tout cela entraîne indirectement une augmentation des surfaces de cultures pour la production d’énergie, avec tous les impacts associés.
LES BIOCARBURANTS ENTRERAIENT EN CONCURRENCE AVEC D’AUTRES USAGES
La quantité mobilisable de déchets organiques et de résidus agricoles ou forestiers durables s’avère très limitée au niveau mondial. Et aucun procédé de fabrication de carburant n’a atteint une échelle commerciale. Un rapport de l’UE de 2020 (auquel ont contribué Airbus, Boeing, BP, Shell et easyJet) indique clairement que « la dépendance des biocarburants vis à vis des matières premières, les changements d’utilisation des terres, les besoins élevés en eau et/ou la monoculture font que le secteur aérien sera en concurrence avec d’autres intérêts qui ont besoin des matières premières à d’autres fins » 8.
Les gouvernements devront utiliser toute la production de biomasse pour nourrir une population mondiale en croissance, tout en décarbonant l’électricité, le chauffage, l’agriculture (par exemple en remplaçant les engrais fabriqués à partir de combustibles fossiles) et les transports. Les politiques actuelles des gouvernements ne prévoient pas la disparition totale des moteurs à combustion des voitures, des camions ou des navires avant 2040. Cela fait que dans les décennies qui viennent, le transport aérien sera en concurrence avec le transport terrestre pour l’accès aux biocarburants durables, dont la disponibilité sera insuffisante. Fixer des objectifs ambitieux pour les biocarburants aviation ne peut qu’inciter à détourner des ressources de leur utilisation actuelle par le secteur routier9. Le gouvernement britannique fait remarquer que lorsque les unités de production produisent plus de biocarburant pour l’aviation que de biogazole routier, leur efficacité globale diminue et les coûts de production augmentent, ce qui rend « la décarbonation de l’ensemble de l’économie plus coûteuse »10. Produire des biocarburants aviation ne ferait donc que déplacer une réduction d’émissions d’un secteur à un autre, tout en diminuant la réduction totale de ces émissions et en augmentant les coûts. La biomasse est également fortement convoitée par des projets visant à absorber le CO2 de l’air et à le stocker dans le sous-sol (Bioénergie avec captage et stockage de dioxyde de carbone, BECCS en anglais). Cette technologie dangereuse et non démontrée augmenterait la pression sur des ressources mondiales limitées et amplifierait le risque de tous les impacts mentionnés précédemment.
LES BIOCARBURANTS NE RÉDUIRAIENT QUE PARTIELLEMENT L’IMPACT CLIMATIQUE DU TRANSPORT AÉRIEN PAR RAPPORT AUX CARBURANTS FOSSILES
Le secteur affirme que « les SAF peuvent réduire les émissions jusqu’à 80 % tout au long de leur cycle de vie »11. Toutefois, des seuils de seulement 60 %12 de réduction d’émissions de gaz à effet de serre ont été retenus par certains pays et les carburants éligibles au régime international CORSIA peuvent ne procurer que 10 %13 de réduction, comme les traînées de condensation, dont on estime qu’elles ont un effet de réchauffement planétaire plus important que celui du CO214 Des études récentes ont montré que les biocarburants peuvent contribuer à réduire les émissions autres que le CO2, mais que la réduction ne sera que partielle15. Ainsi, même si le kérosène était entièrement remplacé par des biocarburants, l’impact climatique des avions resterait assez important.
LES GOUVERNEMENTS NE DOIVENT PAS SUBVENTIONNER LES BIOCARBURANTS AVIATION : C’EST AU POLLUEUR DE PAYER
Même s’ils montent en puissance, les biocarburants aviation resteront bien plus chers que le kérosène. Les biocarburants issus d’huiles « usagées » sont les plus compétitifs, mais restent tout de même deux fois plus chers, et « d’autres procédés de conversion coûtent jusqu’à huit fois plus cher »16. Ces coûts élevés pourraient compromettre les plans de croissance du secteur. La seule façon pour lui de continuer à se développer tout en utilisant de plus grandes quantités de carburants alternatifs comme les biocarburants, serait de bénéficier d’importantes subventions gouvernementales pour leur production. Selon une étude de 2019 de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), il faudrait construire 328 grandes bioraffineries par an jusqu’en 2035 pour satisfaire la demande, et cela uniquement pour le trafic aérien international, pour un coût annuel d’investissement de 29 à 115 milliards de dollars17. Toutefois, investir dans des bioraffineries ferait courir un risque énorme aux finances publiques, car il est peu probable, pour les raisons évoquées ici, que les biocarburants aviation puissent un jour être considérés comme « durables ». Il est donc probable que les installations se transforment en « actifs échoués », avec, à la clef la perte du capital investi. En fin de compte, ce n’est pas aux contribuables, dont la plupart ne prennent jamais ou rarement l’avion, de payer pour cela.
LE DÉPLOIEMENT DES BIOCARBURANTS NE PEUT PAS SE FAIRE ASSEZ RAPIDEMENT ET CELA NE DEVRAIT PAS ÊTRE L’OBJECTIF
Cela fait plus de dix ans que le secteur aérien promet d’augmenter la production de biocarburants sans que cela se concrétise. Les objectifs n’ont jamais été atteints, loin s’en faut, et les ambitions ont dû être revues à la baisse au fil des années. Ainsi par exemple, en 2009, l’Association internationale du transport aérien (IATA) visait un taux de 10 % de biocarburants avant 201718, et en 2011 l’Air Transport Action Group (ATAG) déclarait : « Nous nous efforçons de remplacer 6 % de notre carburant par du biocarburant d’ici 2020. Nous espérons que ce chiffre pourra être plus élevé »19. Cependant, force est de constater qu’en 2021 moins de 0,01 % seulement du carburant aviation est du biocarburant20.
Même les prévisions les plus optimistes du secteur ne montrent pas une pénétration importante des biocarburants aviation au cours des prochaines décennies, du fait d’une très forte croissance du trafic aérien et donc de la consommation de carburant. L’UE a par exemple présenté un plan ne permettant pas de fournir plus de 5 % de carburants aviation alternatifs (essentiellement du biocarburant) d’ici à 203021. Compte tenu des quantités limitées de biomasse disponibles et donc du potentiel limité des biocarburants, la seule façon d’atteindre un pourcentage plus élevé dans des délais raisonnables serait de réduire la consommation totale de carburant. Toutefois, comme indiqué ci-dessus, même ces quantités limitées entreraient en concurrence avec d’autres applications et entraîneraient des risques de violation des droits de l’homme, d’émissions dues au changement d’affectation des sols et de perte de biodiversité. Cela fait que les biocarburants sont une mauvaise solution à de nombreux égards et une réelle menace pour l’atteinte des objectifs climatiques de manière équitable.
Notes
1 Global AG Investing (2019): https://bit.ly/biofuel-paraguay
2 T&E (2019): https://bit.ly/Corsia-assessment
3 T&E (2019): https://bit.ly/Biofuels-GHG
4 Milieudefensie (2020): https://bit.ly/Neste-biofuel
5 Biofuelwatch (2017): https://bit.ly/aviation-biofuels-report
6 BBC (2021): https://bit.ly/doubts-biofuels
7 Biofuelwatch: https://bit.ly/names-palmoil
8 CleanSky2&FCH (2020): https://bit.ly/report-hydrogen, p. 18
9 ICCT (2021): https://bit.ly/SAF-feedstock, p 1-4
10 Department for Transport UK (2021): https://bit.ly/SAF-Mandate, p. 48-49
11 IATA (2021): https://bit.ly/IATA-SAF
12 Department for Transport UK (2021): https://bit.ly/SAF-Mandate, p. 48-49
13 T&E (2019): https://bit.ly/Corsia-assessment
14 Lee, D et al (2021): https://bit.ly/Aviation-climate-forcing, p.1
15 Vogt, C et al (2021): https://bit.ly/biofuels-nonco2, p. 1
16 ICCT (2021): https://bit.ly/SAF-feedstock, p 1-4
17 ICAO (2019): https://bit.ly/destination-green, p. 20
18 IATA (2009): https://bit.ly/IATA-projections, p.14
19 ATAG (2011): https://bit.ly/atag-future-of-flight, p.2
20 FlightGlobal (2020): https://bit.ly/faith-in-SAF
21 European Commission (2021): https://bit.ly/refuel-EU, Annex 1, p. 28
E-carburants
Les carburants d’aviation alternatifs également appelés « carburants d’aviation durables » (Sustainable Aviation Fuels, SAF) sont des hydrocarbures liquides qui peuvent être utilisés par les avions actuellement en service, à la place du kérosène dérivé du pétrole. Le secteur aérien considère que ces carburants sont durables parce qu’ils sont fabriqués à partir de CO2 prélevé dans l’atmosphère, et non à partir de pétrole extrait du sous-sol, qui ajoute du CO2 à l’atmosphère en brûlant. Leur argument est que le mélange de ces carburants avec des carburants fossiles réduirait donc les émissions.
Il existe deux grandes catégories de carburants d’aviation alternatifs:
- Les biocarburants produits à partir de biomasse (voir Fiche N° 4)
- Les électrocarburants synthétiques (e-carburants) produits à partir d’électricité (voir ci-dessous)
Les électrocarburants synthétiques, ou e-carburants, sont obtenus en combinant de l’hydrogène et du carbone pour former un hydrocarbure liquide. Afin de limiter les émissions, l’hydrogène doit être extrait de l’eau par électrolyse à l’aide d’électricité renouvelable et le dioxyde de carbone doit être extrait de l’air par capture atmosphérique directe (Direct Air Capture, DAC). Les deux molécules sont ensuite combinées par le procédé Fischer-Tropsch (FT) pour former des hydrocarbures1. L’énergie requise doit également être renouvelable.
Les électrocarburants sont également connus sous le nom de carburants synthétiques (Synfuels) ou de carburants liquides issus de la conversion d’électricité (Power-to-Liquid, PtL). Les e-carburants, comme les biocarburants, sont des carburants de substitution qui pourraient être mélangés au kérosène fossile et utilisés par les avions existants.
A première vue, les e-carburants semblent être l’arme ultime pour décarboner le transport aérien : utilisation possible dans tous les types d’avions actuellement en service, quel que soit leur rayon d’action ; matières premières très abondantes (eau et air) ; électricité générée à partir du soleil et du vent – des énergies très abondantes. Alors pourquoi n’y a-t-il encore aucun avion utilisant ce type de carburants et pourquoi n’y en aura-t-il que très peu avant une dizaine d’années ? Principalement parce que la production d’e-carburants gaspille énormément d’énergie, alors qu’on sait qu’il n’y aura déjà pas suffisamment d’énergies renouvelables pour décarboner les autres secteurs dans les décennies à venir. Mais aussi parce que c’est un nouveau secteur à créer de toutes pièces, qui doit achever le développement des procédés et mettre en place toute la filière.
LES E-CARBURANTS NE PEUVENT PAS ÊTRE DÉPLOYÉS SUFFISAMMENT RAPIDEMENT POUR ATTEINDRE LES OBJECTIFS CLIMATIQUES
Le déploiement des e-carburants devrait prendre plusieurs décennies. Très peu de pays ont des plans de développement. Actuellement, seule l’UE envisage d’imposer les e-carburants, avec un taux d’incorporation limité à 0,7 % en 20302 et l’ONG Transport & Environment estime qu’un objectif de plus de 1 % serait difficile à atteindre dans l’UE3. Ces chiffres sont très en deçà du rythme de réduction des émissions qu’il faudrait atteindre pour ne pas dépasser l’objectif de réchauffement de 1,5 °C convenu au niveau mondial : selon le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) doivent être réduites de 55 % d’ici à 20304.
LES E-CARBURANTS NE RÉDUIRAIENT QUE PARTIELLEMENT LES ÉMISSIONS AUTRES QUE LE CO2
Le transport aérien ne doit pas seulement réduire ses émissions de CO2, mais aussi ses autres émissions, dont l’impact sur le climat est aujourd’hui deux fois plus important5. Alors que les émissions de CO2 des e-carburants pourraient théoriquement être réduites à zéro si le CO2 était extrait de l’air et si de l’électricité renouvelable était utilisée pour produire l’hydrogène et pour tous les autres processus, c’est loin d’être le cas pour les impacts autres que celui du CO2 : des estimations récentes indiquent que les e-carburants ne réduiraient pas ces autres impacts de plus de 12 % par rapport au kérosène6.
POUR PRODUIRE DES E-CARBURANTS, IL FAUDRAIT DES QUANTITÉS ÉNORMES D’ÉLECTRICITÉ RENOUVELABLE QUI MANQUERAIENT AUX AUTRES SECTEURS QUI DOIVENT SE DÉCARBONER
Les e-carburants pourraient s’intégrer dans une nouvelle économie de l’hydrogène visant à remplacer les combustibles fossiles là où l’électricité n’est pas une alternative possible. Leur production nécessiterait d’énormes quantités d’électricité renouvelable : il en faut en effet non seulement pour produire de l’hydrogène, avec d’importantes déperditions d’énergie, mais aussi pour les autres étapes de la fabrication des e-carburants, accroissant encore les pertes d’énergie. L’hydrogène doit être combiné au CO2 et le carburant obtenu doit ensuite être transformé et purifié pour être utilisable par les moteurs d’avions. Le CO2 doit être extrait de l’atmosphère par capture atmosphérique directe (DAC), ce qui entraîne un coût énergétique élevé en raison de sa dilution. En fin de compte, environ 10 % seulement de l’électricité dépensée serait convertie en poussée pour faire avancer l’avion7.
Utiliser de l’électricité renouvelable pour produire des e-carburants est une mauvaise idée, car il en faudrait des quantités énormes, alors que l’électricité renouvelable est cruciale pour décarboner l’économie mondiale et qu’elle peut être utilisée avec une bien meilleure efficacité dans la plupart des autres applications. Ainsi par exemple, dans un autocar électrique fonctionnant sur batterie, 77 % de l’électricité est convertie en mouvement8, soit un rendement 8 fois supérieur à celui d’un avion utilisant des e-carburants !
Dans les décennies à venir, la production d’électricité renouvelable ne sera pas suffisante pour, tout à la fois :
- Remplacer les combustibles fossiles dans les centrales électriques qui alimentent le réseau.
- Satisfaire les nouvelles demandes d’électricité (voitures, chauffage/climatisation, numérique, etc).
- Remplacer l’hydrogène gris (produit à partir de combustibles fossiles) utilisé par l’industrie, par exemple pour la production d’engrais.
- Satisfaire la nouvelle demande d’hydrogène pour les camions, les bateaux, les avions…
LES GOUVERNEMENTS NE DOIVENT PAS SUBVENTIONNER LES E-CARBURANTS AVIATION :
C’EST AU POLLUEUR DE PAYER
La complexité du processus et la quantité d’énergie nécessaire se traduisent par des coûts élevés : il a été estimé que les e-carburants allaient coûter 6 à 9 fois plus que le kérosène en 2020 et devraient coûter encore 2 à 3 fois plus en 205010. Les gouvernements seront donc sollicités pour des subventions permettant de maintenir artificiellement des prix bas. Il en résulterait une hausse du trafic aérien et des émissions plus importantes que si le secteur devait lui-même payer tous les coûts. Ce n’est pas aux contribuables, dont la plupart ne prennent jamais ou rarement l’avion, de payer pour cela.
AUTRES PROBLÈMES MOINS CONNUS
Le secteur est confronté à un dilemme en ce qui concerne le CO2 dont il a besoin : pour réduire au maximum l’impact climatique de la filière (de 60 %), il faudrait que le CO2 soit extrait de l’atmosphère, mais comme il y est très dilué, il faudrait dépenser beaucoup d’énergie. Il vaudrait mieux utiliser le CO2 concentré qui est encore émis en grandes quantités par les cheminées de l’industrie (ciment, acier, raffineries…), mais cela reviendrait à utiliser du combustible fossile une seconde fois et au final cela générerait des émissions CO2 supplémentaires dans l’atmosphère. La réduction de l’impact climatique ne serait plus alors que de 30 %11.
Un autre problème rarement mentionné est que le processus de fabrication produit un mélange d’hydrocarbures, dont seulement 50 à 70 % conviennent à l’aviation12. Cela signifie qu’environ 30 à 50 % de l’électricité renouvelable utilisée serait gaspillée pour des sous-produits qui pourraient être obtenus de manière plus efficace ou pour lesquels il existe de meilleures alternatives.
Les e-carburants resteront longtemps une denrée précieuse, rare et chère, qui ne devrait pas être utilisée à grande échelle pour remplacer le kérosène, alors que les besoins vont considérablement augmenter si le secteur continue de croître.
Notes
1 The Royal Society (2019): https://bit.ly/policy-briefing-e-fuels
2 European Commission, (2021): https://bit.ly/refuel-EU, Annex I, p. 28
3 T&E (2021): https://bit.ly/TE-E-kerosene
4 UNEP (2019): https://bit.ly/UNEP-EmissionGap, p. 15
5Rester sur Terre (2020) : https://bit.ly/Aviation-non-CO2
6 CleanSky2&FCH (2020): https://bit.ly/report-hydrogen
7 Ausfeder, F. et al (2017): https://bit.ly/analysis-sektorkopplung
8 T&E (2020): https://bit.ly/briefing-e-fuels
9 CleanSky2&FCH (2020): https://bit.ly/report-hydrogen, p. 44
and IEA: https://bit.ly/iea-data-statistics
10 CleanSky2&FCH (2020): https://bit.ly/report-hydrogen, p. 48
11 CleanSky2&FCH (2020): https://bit.ly/report-hydrogen, p. 21
12 Novelli, P. ONERA, (2021) : https://bit.ly/decarbonising-aviation (vidéo), 26′
Neutralité carbone
La neutralité carbone est aujourd’hui l’objectif principal de la plupart des stratégies climatiques des secteurs économiques et des gouvernements. Pour sa part, le secteur aérien s’est engagé à atteindre zéro émissions nettes de CO2 d’ici 2050.
Selon le GIEC1, les émissions nettes de CO2 sont égales à zéro lorsque les émissions anthropiques de CO2 restantes sont compensées à l’échelle de la planète par des éliminations anthropiques de CO2. Cela signifie que certaines émissions « difficiles à réduire » sont encore autorisées, à condition que des quantités équivalentes de CO2 soient retirées de l’atmosphère. On parle aussi de neutralité carbone. Lorsque tous les gaz à effet de serre sont pris en compte, on parle de zéro émissions nettes ou de neutralité climatique
L’élimination de dioxyde de carbone fait référence aux moyens de retirer du CO2 de l’atmosphère en complément du piégeage naturel du cycle du carbone. Elle peut être réalisée soit en augmentant les puits bio- ou géochimiques de CO2, soit en utilisant des procédés industriels pour capter le CO2. L’élimination de dioxyde de carbone est l’une des deux possibilités de compensation carbone 2 à côté des crédits pour émissions « évitées ».
La neutralité carbone ne va pas permettre d’éviter la catastrophe climatique : 2050, c’est beaucoup trop tard
Après un premier engagement peu ambitieux en 2009 de diviser par deux ses émissions de CO2 en 2050 par rapport à 2005, l’Association du transport aérien international (IATA) a renforcé son objectif en octobre 20213, annonçant qu’elle visait la neutralité carbone d’ici 2050. Elle revendique de s’aligner ainsi sur l’objectif de l’Accord de Paris de limiter le réchauffement planétaire à 1,5 °C et dévoile son plan. Comme nous allons le voir, ce nouvel objectif reste largement insuffisant et ne fait que reporter dans le temps des efforts de réduction des émissions qui devraient intervenir beaucoup plus tôt et plus massivement.
En effet, ce qui compte pour atteindre l’objectif de l’Accord de Paris, ce n’est pas tant le niveau des émissions en 2050 que la quantité cumulée de gaz à effet de serre qui sera rejetée dans l’atmosphère dans les 30 ans qui viennent. La seule façon équitable d’atteindre l’objectif de l’accord de Paris est d’allouer au transport aérien une juste part du budget carbone mondial, c’est-à-dire une juste part de la quantité de CO2 2 qui peut encore être émise avant que le seuil de réchauffement de 1,5 °C ne soit dépassé, et d’ajuster le trafic aérien pour tenir ce budget. Or, comme le montre cette étude4, le budget carbone du secteur explosera bien avant 2050 si le trafic aérien n’entame pas sa décroissance. Les technologies invoquées pour verdir l’aviation restent en effet encore incertaines et seront longues à mettre au point et à déployer, si tant est qu’elles le soient un jour.
Atteindre la neutralité carbone en 2050 peut tempérer l’augmentation de la température, mais ne peut maintenir le réchauffement planétaire sous le seuil de 1,5 °C ou même de 2 °C. Il ne suffirait plus alors de viser zéro émissions nettes, mais des émissions nettes négatives et éliminer des quantités beaucoup plus importantes de CO2 pour tenter de sauvegarder un climat vivable.
Les promesses technologiques ne seront pas tenues. Elles ne sont pas démontrées et SONT TROP gourmandes en ressources
Le secteur fonde une grande partie de sa stratégie sur les promesses de la technologie et les utilise pour justifier la poursuite de sa croissance. Il met en avant une palette de solutions soi-disant durables : amélioration de l’efficacité des avions et des opérations, utilisation de carburants alternatifs à faible émission de CO2 et nouveaux modes de propulsion (avion électrique et avion à hydrogène). Comme nous le démontrons dans d’autres fiches (1-5), l’« amélioration de l’efficacité » s’est toujours soldée par une augmentation des émissions et les carburants alternatifs posent trop de problèmes de ressources pour être déployés de manière rapide et massive. Quant à l’avion à hydrogène et à l’avion électrique, ils ne sont pas envisageables avant 2050 pour les moyen- et long-courriers qui font aujourd’hui le gros des émissions (de CO2 ou autres). Il est donc très probable que le secteur restera responsable de beaucoup plus d’émissions que ce qu’il anticipe.
C’est pourquoi on ne peut pas compter sur les technologies pour répondre à l’urgence climatique. La seule solution pour réduire rapidement les émissions de CO2, c’est de réduire le trafic.
Un secteur ne peut s’approprier les moyens de retirer du CO2 de l’atmosphère, d’autant qu’ils ne sont pas disponibles ou démontrés à une telle échelle
Malgré des plans ambitieux d’utilisation de carburants alternatifs et d’innovation technologique, le secteur aérien annonce par avance qu’il ne sera pas en mesure de supprimer complètement ses émissions de CO2 d’ici 2050 et qu’il devra avoir recours à divers moyens pour retirer de l’atmosphère du CO2 émis antérieurement. L’IATA estime à 19% les émissions résiduelles qu’il faudra compenser, soit 342 millions de tonnes (Mt)3. Aux méthodes de compensation en vigueur aujourd’hui, reposant essentiellement sur la capture de CO2 par la biomasse, devrait venir s’ajouter la capture de CO2 dans l’air par des procédés industriels (Acronyme anglais : DACCS).
Notre écosystème ne peut se résumer à une équation
Le concept même et la logique du zéro émissions nettes (ou neutralité carbone) sont problématiques et doivent être examinés de près. Ce concept suscite de fortes résistances, notamment de la part des communautés autochtones, car il maintient l’illusion scientifiquement infondée qu’il serait facile de rétablir l’équilibre entre le climat et les écosystèmes par le biais de compensations carbone et de solutions dites « fondées sur la nature » (en anglais, NBS). Comme les procédés industriels sont problématiques6 et n’ont pas fait la preuve qu’ils pouvaient être déployés à grande échelle, la plupart des promesses de neutralité carbone reposent encore largement sur les NBS. Cependant, alors que le carbone fossile a mis des millions d’années à se former, le carbone stocké dans les écosystèmes a un cycle beaucoup plus court et ne peut être considéré comme un puits permanent pouvant compenser les émissions de carbone fossile. Le carbone émis par un avion affectera le climat pendant des milliers d’années, alors qu’une forêt plantée à titre de compensation pourrait brûler dans les années qui suivent et libérer le carbone stocké. Les promesses de « zéro émission » entraînent une augmentation de la demande de compensation, ce qui conduit à une marchandisation accrue de la nature. La diversité des écosystèmes est transformée en carbone négociable, entraînant souvent l’accaparement des terres des peuples indigènes du Sud8. L’ONG CLARA a développé un petit guide et des indicateurs pour décrypter les engagements à la neutralité carbone et en dévoiler les hypothèses fallacieuses et les effets pervers9.
342 Mt, c’est beaucoup ! La probabilité d’y parvenir est faible, car le potentiel d’élimination du CO2 est limité et devra être partagé avec d’autres secteurs. D’autre part, l’idée même qu’un secteur s’approprie (en payant plus que les autres) une partie des moyens limités disponibles pour compenser les émissions qu’il n’aura pas voulu réduire est contraire au concept de neutralité carbone qui n’a de sens qu’à l’échelle planétaire.1.
De toute façon, les sols gérés par l’homme sont aujour-d’hui un émetteur global net de carbone, du fait en particulier de la déforestation et des incendies de forêts. Ils le resteront longtemps avant que la situation ne s’inverse et que la biomasse ne soit en mesure d’absorber du carbone5. Les actions pour restaurer ou accroître la biomasse doivent d’abord compenser sa destruction continue. Quant aux procédés industriels, ils n’existent qu’au stade pilote et n’ont pas encore fait la preuve qu’ils puissent être déployés à grande échelle. En outre, le DACCS constitue une utilisation très inefficace d’une énergie renouvelable rare, qui pourrait permettre des réductions d’émissions bien plus importantes si elle était utilisée pour la production d’électricité, le transport routier ou le chauffage des bâtiments6.
La neutralité carbone en 2050 est une illusion, car elle est loin de satisfaire aux exigences climatiques et donne la fausse impression qu’il est aussi facile de retirer le CO2 de l’atmosphère que de l’y rejeter. C’est un non-sens thermodynamique7.
Les plans du secteur aérien pour attein- dre zéro émissions nettes ne prennent en compte que le CO2. Ils doivent prendre également en considération les impacts autres que le CO2.
Les avions génèrent d’autres émissions que le CO2, principalement des NOx et des traînées de condensation qui, en se transformant dans l’atmosphère, ont, selon la meilleure estimation, un impact climatique deux fois plus important que celui du CO2. L’impact total du transport aérien est ainsi 3 fois supérieur à celui du seul CO210.
Le secteur aérien prend prétexte des incertitudes qui pèsent encore sur la quantification de ces impacts pour s’opposer à toute régulation, alors même que des voies prometteuses simples sont en vue9. De plus, il détourne délibérément l’attention du fait que la mise en œuvre de ces mesures – comme aussi la réduction du trafic aérien – réduirait massivement et rapidement le réchauffement dû au transport aérien, car les émissions autres que le CO2 ont un potentiel de réchauffement global (PRG) plus élevé et une durée de vie beaucoup plus courte que le CO2.
Plutôt que rester dans le déni, le secteur doit appliquer le principe de précaution et supprimer toutes ses émissions, le CO2 et les autres.
Loin de prendre ses responsabilités, le secteur aérien utilise la neutralité carbone comme un moyen de continuer sa croissance et de remettre l’action à plus tard.
Même s’il atteint la neutralité carbone en 2050, le secteur aura émis beaucoup plus qu’il n’aurait fallu pour ne pas dépasser 1.5 °C. Il laissera aux écosystèmes ainsi qu’aux générations présentes et futures une dette carbone qu’elles devront rembourser (si tant est que cela soit possible) en extrayant des quantités énormes de carbone de l’atmosphère, alors qu’elles auront à affronter des conditions climatiques de plus en plus difficiles et des pénuries de ressources. Il convient également de noter que les émissions du secteur ne sont pas actuellement tarifées de manière à mettre de côté de l’argent pour rembourser cette dette. Les voyageurs aériens ne paient absolument rien aujourd’hui pour leurs émissions, laissant à d’autres (les futurs contribuables) la charge d’en assumer les conséquences plus tard.
Selon les projections de l’ONU11, pour maintenir le réchauffement sous le seuil de 1,5 °C, il faudrait réduire les émissions de 55 % d’ici 2030 et atteindre zéro émissions nettes en 2050. Alors que les objectifs pour 2030 et 2050 sont indissociables, le secteur aérien ne s’engage que sur le plus éloigné car il se refuse à réduire son trafic dès maintenant, seul moyen d’atteindre celui de 2030. Il se donne du temps en laissant à penser qu’il a encore le temps de poursuivre sa croissance comme avant. C’est faux, il n’en a plus !
Aéroports : une neutralité étriquée
La revendication de neutralité carbone de certains aéroports est fallacieuse car elle ne concerne qu’une toute petite part de leurs émissions. Les émissions prises en compte se limitent au Scope 1, c’est-à-dire celles sous contrôle de l’aéroport (bâtiments…) et au Scope 2, celles liées à l’énergie achetée par l’aéroport.
88 aéroports dans le monde se disent neutres en carbone. Ce label leur a été attribué par l’ACA12, un organisme appartenant à l’ACI (Airports Council International). Il signifie que ces aéroports ont entamé une démarche de réduction et/ou de compensation des émissions dont ils se considèrent directement responsables. Certains installent des fermes solaires sur leur domaine ou plantent des arbres et présentent cela comme de la compensation. Ils n’ont pas d’obligation de réduire (ou de compenser) les émissions indirectes du Scope 3, car elles sont considérées comme n’étant pas sous leur contrôle direct, bien qu’elles représentent plus de 99 % des émissions totales liées aux aéroports13,14. L’essentiel de ces émissions provient des vols, et des transports terrestres utilisés par les passagers et les employés pour se rendre à l’aéroport ou en repartir.
Bien que le développement de nouvelles technologies et de nouveaux carburants puisse se révéler utile, cela ne doit pas être un alibi pour remettre à plus tard les réductions d’émissions indispensables pour atténuer la crise climatique. La seule manière de réduire les émissions du secteur aérien est de limiter les voyages en avion. Pour y arriver, il faut des réglementations efficaces.
Dans notre rapport Décroissance du transport aérien15, nous discutons des mesures qui pourraient permettre une réduction juste du trafic. Et dans notre document intitulé Pour une transition juste dans l’aérien16, nous avançons l’idée selon laquelle une reconversion du secteur est possible tout en sauvegardant les intérêts des employés.
Notes
1 IPCC glossary : https://bit.ly/ipccglo
2 Stay Grounded (2017): https://bit.ly/GreenFlyR, p. 9-10
3 IATA (2021): https://bit.ly/IATA2021
4 ISAE-SupAero (2022): https://bit.ly/ISAE2022, p. 158-159
5 IPCC AR6 WG3 SPM (2021): https://bit.ly/IPCC_AR6WG3, p. 6
6 The CCC (2020): https://bit.ly/CCCELEC, p. 11
7 Recharge (2021): https://bit.ly/Recharge_DAC
8 FoE International (2021): https://bit.ly/chasing_unicorns, p. 18
9 CLARA (2022): https://bit.ly/CLARA_NetZero
10 Stay Grounded (2022): https://bit.ly/factsheetClimateImpact
11 UNEP (2021): https://bit.ly/Emissions_Gap, p. XXIII
12 ACA: https://bit.ly/ACA_neutrality. 88 airports had achieved the
12 Neutrality, Transformation or Transition level in September 2022.
13 ADP (2018): https://bit.ly/ADP_ACA, p. 22-30
14 DGAC (2020): https://bit.ly/DGAC_2019, p. 7, 9
15 Stay Grounded (2019): http://bit.ly/DegAvR
16 Stay Grounded (2021): https://bit.ly/JustTransitionAviation
Compensation carbone
La compensation carbone repose sur des « unités » de gaz à effet de serre (GES) vendues par des entités revendiquant les avoir retirées de l’atmosphère ou avoir évité ou réduit leur émission, et achetées par d’autres entités pour tenter de compenser leurs propres émissions.
La compensation carbone joue un rôle important dans de nombreux plans actuels de réduction des émissions et peut être utilisée par des systèmes d’échange de quotas comme c’est le cas en Californie. Basée sur des projets situés pour la plupart dans les pays du Sud global, elle est utilisée par les États et les entreprises (appartenant surtout au Nord global) pour se mettre en conformité. La plupart des échanges ont lieu sur des marchés du carbone spécialisés.
Le secteur aérien fait un large recours à la compensation carbone. L’OACI (Organisation de l’aviation civile internationale), l’organisme des Nations unies en charge du secteur, est parvenue à un accord sur un système commun pour les vols internationaux, dénommé CORSIA (Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation, Régime de compensation et de réduction de carbone pour l’aviation internationale).
Certains pays comme la France disposent de systèmes de
compensation particuliers pour les vols à l’intérieur de leurs frontières. Les passagers aériens peuvent également se voir proposer de compenser leur voyage lorsqu’ils effectuent une réservation auprès de compagnies aériennes ou d’agences de voyage, et dans certains cas la compensation carbone est même incluse dans le prix du billet. Souvent les aéroports se « verdissent » en compensant les émissions de leur activité au sol et en font un argument pour inciter les gens à utiliser leurs services, sans se soucier des émissions des avions.
CORSIA
CORSIA est un outil mondial de marché conçu pour compenser la fraction des émissions de CO2 des vols internationaux
dépassant 85 % de leur niveau de 2019. Il oblige les compagnies aériennes à acheter des crédits carbone.
Croissance neutre en carbone : les émissions de CO2 qui dépasseront 85 % des émissions de 2019 prises comme référence seront compensées (2023-2035). |
Épuisement du budget carbone d’ici 2030 : seule une petite partie des émissions sera compensée d’ici 2035, au terme de CORSIA. Comme l’essentiel des émissions ne sera ni réduit ni compensé, le budget carbone de l’aviation devrait être épuisé d’ici 2030. |
Un accord mondial : CORSIA offre un cadre homogène pour réduire les émissions de l’aviation internationale, en minimisant les distorsions de marché3. . |
Un accord faible : CORSIA est un accord minimaliste qui ne concerne que les vols internationaux (sans compter les exemptions) et qui vise à minimiser les coûts du secteur. Il ne sera pas obligatoire avant 2027 et n’est pas juridiquement contraignant. Il ne couvre pas les effets autres que le CO2 (⅔ de l’impact total du transport aérien sur le climat) 4. |
La compensation, un concept fallacieux
L’atmosphère peut être comparée à un réservoir alimenté en CO2 par des tuyaux, un pour chaque secteur économique. On sait que le réservoir va déborder avant dix ans si le CO2 continue à être déversé au rythme actuel. Alors que la plupart des secteurs réduisent leur débit, le secteur aérien, lui, continue d’augmenter le sien et prétend qu’il suffit d’en compenser une partie.
Il y a deux types de compensation carbone : le premier consiste à éviter ou à réduire les émissions dans d’autres secteurs, le second à retirer du CO2 de l’atmosphère. Il s’agit donc soit de payer d’autres secteurs pour qu’ils ferment leurs propres robinets, soit d’investir dans des« éponges » pour absorber le CO2 et le stocker dans des réservoirs soi-disant sûrs.
Le problème avec la première option, demander à d’autres secteurs de réduire ou d’éviter leurs émissions (en finançant, par exemple, des éoliennes en Inde), c’est qu’elle détourne à son profit et réduit à néant les baisses d’émissions de projets dont on a pourtant grand besoin pour atteindre des objectifs climatiques mondiaux difficiles. Pire encore, ce détournement est utilisé pour justifier la croissance des émissions du transport aérien.
La deuxième option, qui consiste à retirer du CO2 de l’atmosphère, ne permet pas de remettre l’atmosphère dans le même état qu’avant le vol. La seule « éponge » utilisable aujourd’hui est la biomasse végétale. Les procédés industriels tels que le DACCS (Direct Air Carbon Capture & Storage – Captage du dioxyde de carbone dans l’air & stoc-kage) n’en sont qu’au stade pilote et rien ne prouve qu’ils pourraient être déployés à grande échelle. Le stockage de carbone dans les arbres ou dans d’autres types de biomasse est un processus lent (plusieurs dizaines d’années) et rien ne garantit que le carbone restera stocké à long terme. Les arbres peuvent être victimes d’incendies, de sécheresse, de maladies… et finiront probablement par être abattus.
Un autre problème posé par la plantation d’arbres est que les terres gérées par l’homme sont aujourd’hui émettrices nettes de carbone à l’échelle mondiale, en raison notamment de la déforestation et des incendies de forêt. Il en sera ainsi pendant des années avant que la situation ne s’inverse et que la biomasse ne devienne un absorbeur net de carbone. Les actions visant à restaurer ou à augmenter la biomasse doivent d’abord compenser sa destruction continue et le secteur aérien ne peut s’approprier les rares ressources foncières disponibles, sachant qu’il faut également restaurer la biodiversité et nourrir les populations.
Scott Kirby, PDG de United Airlines, le dit très bien : « La compensation carbone consiste principalement à planter des arbres, et il n’y a rien de mal à ça, mais la vérité, c’est que la plupart de ces projets n’ont aucune réalité. Il s’agit d’arbres qui allaient être plantés de toute façon, ou d’arbres qui ne vont jamais être abattus. Mais le plus important, c’est que le système n’est pas extensible. Si l’on plantait des arbres sur chaque hectare de la planète où il est possible d’en faire pousser, cela représenterait moins de cinq mois d’émissions de l’humanité. De toute façon, nous mourrions tous de faim parce que toutes les fermes auraient disparu »5.
Face à l’urgence climatique et écologique, l’heure n’est plus aux demi-mesures. Il n’y a plus aucune marge de manœu-vre dans le système. Tous les leviers d’action doivent être utilisés. Il faut restaurer les écosystèmes de manière bien pensée, stopper la déforestation et la destruction des habitats. Nous devons également remplacer les combustibles fossiles par des énergies réellement renouvelables. Nous devons faire tout cela et en plus réduire les émissions
du transport aérien.
Les projets de compensation sont très souvent inconsistants ou frauduleux
Non seulement le principe même de la compensation carbone est fortement contesté, mais il s’avère que malgré leur certification par des organismes officiels ou indépendants, une grande partie des projets financés ne donne pas les résultats escomptés. Certains sont même frauduleux.
Plusieurs enquêtes ont montré cela. Les critères auxquels les projets sont censés satisfaire ne sont souvent pas respectés :
- Les bénéfices ne peuvent être ni mesurés ni vérifiés
- Le projet n’est pas additionnel : il aurait quand même été réalisé
sans le financement procuré par la vente de crédits carbone - Les réductions d’émissions sont surestimées, mettant ainsi sur le marché des millions de crédits fantômes
- Le projet n’est pas pérenne ou il n’y a aucune garantie qu’il durera aussi longtemps que prévu. Les arbres peuvent mourir, brûler ou être abattus prématurément et le carbone remis dans l’atmosphère
- La mise en œuvre du projet entraîne des émissions indirectes annulant ses bénéfices (fuites de carbone)
- Les réductions d’émissions sont revendiquées par d’autres organisations, ou comptabilisées dans les CDN (Contributions déterminées au niveau national) (Double comptage)
Des chercheurs ont analysé 1350 projets de parcs éoliens en Inde dans le cadre du Mécanisme de développement propre (MDP) et ont conclu que plus de 52 % des crédits carbone émis étaient attachés à des projets qui auraient été réalisés sans cela et que la vente de ces crédits à des pollueurs soumis à réglementation avait augmenté les émissions mondiales de CO2 de manière significative6. En 2023, une enquête menée par un consortium de journalistes sur Verra, la principale norme mondiale pour le marché en plein essor de la compensation volontaire, a révélé que plus de 90 % de ses crédits de compensation liés à la forêt tropicale – parmi les plus couramment utilisés par les entreprises – sont peu susceptibles de véritablement réduire le carbone7.
Même des acteurs importants du secteur le reconnaissent (voir ci-dessus la déclaration du PDG d’United Airlines), nombre de projets de compensation sont fallacieux. Et certaines compagnies,, comme easyJet, ont mis fin à la compensation.
Solutions fondées sur la nature Solutions climatiques naturelles (en anglais, NBS/NCS)
Les solutions fondées sur la nature (en anglais, NBS) ont pour objet la gestion et l’utilisation durables de la nature pour relever les défis socio-environnementaux. À l’origine, les NBS désignaient les politiques environnementales au sens large, tandis que les NCS ne concernaient que la réduction des émissions de carbone, mais les deux termes sont aujourd’hui pratiquement synonymes. Les NBS/NCS sont importantes pour atténuer les effets du changement climatique ou d’autres problèmes environnementaux causés par l’homme, par exemple : la réintroduction des castors pour réduire les risques d’inondation ; la plantation de mangroves pour amortir l’impact des tempêtes ; l’aménagement paysager pour la réduction des inondations ; le reboisement pour ralentir le ruissellement des eaux de pluie ; la restauration des tourbières, des marais salants et des zones humides, etc. Elles peuvent contribuer à restaurer la biodiversité et à éliminer du carbone de l’atmosphère en le stockant naturellement.
En principe, les NBS/NCS sont une bonne chose. Elles posent toutefois problème quand elles sont utilisées pour compenser les émissions, en particulier quand elles sont commercialisées par des mécanismes de marché et que les crédits associés font l’objet d’échanges et de spéculation. Il n’en reste pas moins que les NBS/NCS doivent être encouragés si elles sont une aide supplémentaire pour atténuer le réchauffement climatique en stockant le carbone, mais elles ne doivent pas se substituer aux réductions d’émissions ni permettre de poursuivre la croissance. Selon Costanza et al. (1997), la financiarisation de la nature (et de tout ce qui est nécessaire à la vie) est fondée sur le postulat qu’il serait impossible d’arrêter la destruction sans donner un prix aux services écosystémiques et à la biodiversité13. Cette approche conduit à l’accaparement de terres et à la perte de biodiversité et pourrait aller jusqu’à la constitution de banques de gènes et à la mise en vente de la nature comme n’importe quelle marchandise14, 15 (plus l’espèce est rare, plus le prix est élevé).
Donner une valeur au potentiel d’absorption de carbone des NBS/NCS lié à la protection ou à la restauration des écosystèmes, et s’en servir pour lever des fonds, conduit à mettre le pouvoir entre les mains des financeurs. Il est de ce fait illusoire de mettre en place des garde-fous16. Dans la pratique, ceux qui ont le plus intérêt à apporter des financements sont ceux qui souhaitent compenser des émissions de combustibles fossiles à grande échelle. Lors de la COP25, un marché des solutions climatiques naturelles17 a été lancé conjointement18. A l’occasion de la COP26, un groupe d’organisations de conservation de la nature et de scientifiques a publié une lettre ouverte soutenant les NBS, appelant au respect d’un certain nombre de principes mais n’excluant pas leur utilisation en tant que compensation carbone19. Certaines ONG promeuvent activement la compensation et les crédits carbone et ont fait appel à des entreprises pour les aider.
Il existe un large éventail de programmes et de manières de s’y inscrire20. Les NBS/NCS sont également de plus en plus utilisés par des aéroports, comme Heath- row21, qui visent à devenir neutres en carbone d’ici 2035 pour justifier leurs plans de croissance et l’augmentation de leurs émissions. Les NBS/NCS ne sont pas nouvelles. Elles se placent dans la continuité de systèmes plus anciens tels que le Plan d’action pour les forêts tropicales (1985), le Mécanisme de développement propre (protocole de Kyoto) et le REDD (Réduction des émissions de GES dues à la déforestation et à la dégradation des forêts)22.
Nous devons nous opposer aux solutions illusoires, quelle que soit la façon dont elles sont présentées, et soutenir de véritables solutions gérées par les communautés locales et venant de la base. Permettre l’autodétermination et les droits des peuples indigènes est l’une des manières les plus efficaces d’utiliser l’argent destiné à la « conservation de la nature », mais très peu est dépensé en ce sens. Le cadrage « Nature et climat » a été considéré comme un pas en avant par rapport au cadrage « Climat », mais il est loin d’être parfait. Il faut toujours mettre en avant la nature, mais dans le cadre d’une culture de l’écosystème : « Nature, population et climat ».
La compensation, même quand les projets sont de qualité, est pire que de ne rien faire, car elle ne fait que reporter à plus tard les véritables actions et accroît les risques pour les nouvelles générations. Les passagers ne sont pas incités à réduire leurs émissions et à remettre en question leur façon de voyager. S’ils pensent que leurs vols sont compensés, ils risquent même de voyager plus, se sentant déliés de toute culpabilité. Les gouvernements s’abritent derrière la compensation pour ne pas prendre de mesures à même de véritablement baisser les émissions, afin de protéger la croissance économique de secteurs qu’ils pensent importants pour le PIB de leur pays : tourisme et transport aérien. Enfin, pour les compagnies aériennes, la compensation carbone est une solution de facilité qui ne pèse pas de manière significative sur la demande.
La compensation accroît les inégalités et crée des dépendances néocoloniales
En donnant bonne conscience à la minorité aisée qui prend souvent l’avion, sans l’inciter à voyager moins, la compensation carbone permet au transport aérien de poursuivre sa croissance et d’aggraver son impact climatique. Le secteur accroît ainsi les inégalités entre cette minorité aisée qui profite à bon compte du présent, et la grande majorité, la plus exposée aux conséquences présentes et futures du réchauffement. Reportant sans cesse les efforts de réduction des émissions, nous laissons aux écosystèmes, ainsi qu’aux générations présentes et futures, une dette carbone qu’elles devront rembourser (si tant est que cela soit possible) en extrayant des quantités énormes de carbone de l’atmosphère, alors qu’elles auront à affronter des conditions climatiques de plus en plus difficiles et des pénuries de ressources. Il convient également de noter que les émissions du secteur ne sont pas actuellement tarifées de manière à mettre de l’argent de côté pour rembourser cette dette. Les voyageurs aériens paient en effet aujourd’hui très peu pour leurs émissions, laissant aux futurs contribuables la charge d’en assumer les conséquences. Comme ils coûtent moins cher dans les pays du Sud global, c’est là que se trouvent la plupart des projets de compensation. Ils constituent une forme de néocolonialisme et sont source de nouvelles inégalités entre le Nord et le Sud. Ils exigent en effet de prendre le contrôle de vastes étendues de terre, le plus souvent situées dans des pays dont l’économie est largement agricole, voire dépossèdent les populations locales de leurs droits coutumiers sans leur consentement et parfois même sans qu’elles le sachent.
Les crédits carbone sont trop peu chers
Les crédits carbone utilisables dans le cadre de CORSIA ne coûtent pas plus de quelques euros par tonne de CO2, alors que le cours du CO2 sur le marché européen du carbone a atteint 100 €/tonne en février 20238. L’ONG Transport & Environment a calculé que l’impact sur le coût d’un billet Paris-New York ne devrait pas dépasser 1,70 € en 20309, un montant tout à fait insuffisant pour peser sur la demande et sans aucun rapport avec le coût du CO2 pour la planète. Du fait de leur prix très faible, ils dissuadent également les investissements dans des transformations systémiques, beaucoup plus coûteuses.
CORSIA : un accord a minima
Le secteur se déclare satisfait d’avoir obtenu un accord international, ce qui est certes difficile, mais la contrepartie est un accord très faible qui ne résout rien. Et même pire, il pourrait empêcher les pays signataires d’aller plus loin pour leurs vols domestiques ou de signer des accords bilatéraux pour les autres . Même lorsqu’il deviendra obligatoire en 2027, CORSIA ne couvrira que 14 % des émissions mondiales de CO2 du secteur aérien. Mais, comme les impacts autres que celui du CO2 ne sont pas couverts, et qu’ils représentent ⅔ de l’impact climatique total du secteur, CORSIA n’en couvrira en fait qu’à peine 5 % (Voir infographie). Applicable aux seuls vols internationaux, non juridiquement contraignant, ouvert à des exemptions11, limité aux émissions excédant celles de l’année de référence (85 % des émissions de 201912), et surtout reposant sur l’illusion de la compensation carbone, cet accord ne fait que compléter l’arsenal greenwashing du secteur.
Tout en laissant miroiter des solutions technologiques peu réalistes lui permettant d’asseoir une image de responsabilité, le secteur aérien se défausse de son incapacité à réduire ses émissions de CO2 dans un délai compatible avec l’urgence climatique en ayant recours à l’expédient de la compensation carbone. La seule solution responsable serait de réduire le trafic aérien. Mais il a fait le choix de ne pas impacter ses profits immédiats en payant des sommes dérisoires pour faire faire par d’autres ce qu’il est dans l’incapacité de faire, ou se refuse à faire.
Notes
¹ IATA (Nov. 2022): https://bit.ly/CORSIA-fact-sheet
² ICAO (7 Oct. 2022): https://bit.ly/ICAO-net-zero
³ ICAO (2023): https://bit.ly/CORSIA-overview
4 ICAO (2022): https://bit.ly/CORSIA-FAQs
5 Washington Post Live (Oct. 2022)
: https://bit.ly/CEO-United
(00:45)
6 Calel R. et al. (2021): https://bit.ly/3NkAioN
7 The Guardian (2023): https://bit.ly/43CB5HA
8 Carboncredits.com: https://carboncredits.com/carbon-prices-today/
9 T&E (2022): https://bit.ly/CORSIA-coverage
10 Depuis l’adoption de CORSIA en 2016, l’OACI s’est engagée en 2022
sur un « objectif à long terme ambitieux de zéro émissions nettes d’ici 2050
» (c’est-à-dire à la neutralité carbone), mais l’objectif de « croissance neutre en carbone »
de CORSIA reste inchangé.
11 Calel R. et al. (2021): https://bit.ly/3NkAioN
12 The Guardian (2023): https://bit.ly/43CB5HA
13 Costanza, R. et al (1997): https://bit.ly/Costanza_R
14 Banking Nature (2015): https://youtu.be/y1EdZeRHgbM
15 Paulson Institute (2020): https://bit.ly/FinancingNature
16 REDD-Monitor (2020): https://bit.ly/redd-monitor
17 IETA (2019): https://bit.ly/NCS-Initiative
18 In These Times (2019): https://bit.ly/DivorcedReality
19 NBS Guidelines: https://bit.ly/NBSguidelines
20 REDD-Monitor (2019): https://bit.ly/ScopeSchemes
21 Heathrow Media Centre (2018): https://bit.ly/UKpeatlands
22 World Rainforest Movement (2020): https://bit.ly/WRM
23 Stay Grounded (2019): http://bit.ly/DegAvR
24 Stay Grounded (2021): https://bit.ly/JustTransitionAviation
Technologies d’émissions négatives
Comme la plupart des gouvernements et de nombreux secteurs, le transport aérien s’est donné pour objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Mais cet objectif est insuffisant pour répondre à l’ambition de l’accord de Paris, qui suppose une réduction importante des émissions à court terme, ce que le secteur ne semble pas en mesure, ou ne pas avoir la volonté de réaliser (voir fiche #6 : Neutralité carbone – Zéro émissions nettes). Celui-ci justifie son niveau élevé d’émissions, voire leur augmentation, en arguant du recours à des émissions négatives (également appelées « élimination du dioxyde de carbone » (CDR) ou « élimination des gaz à effet de serre » (GHGR), dans un futur relativement éloigné. C’est également une stratégie dangereuse et risquée, comme nous l’expliquons dans cette fiche.
Les « technologies d’émissions négatives » (NET) désignent les processus industriels (par opposition aux processus naturels tels que la croissance des arbres) qui éliminent le dioxyde de carbone (CO2) en le captant dans l’atmosphère et en le stockant, en principe de manière permanente. Les technologies généralement proposées sont les suivantes (1) :
- Captage direct dans l’air et stockage du dioxyde de carbone (DACCS) : captage du CO2 de l’atmosphère par des procédés industriels et stockage sous terre.
- Bioénergie avec captage et stockage du dioxyde de carbone (BECCS) : production d’énergie à partir de biomasse, puis stockage sous terre ou dans le sol d’une partie du CO2 émis.