La compensation carbone : le retour du commerce des indulgences ?
30 Juil, 2020

Faire de la « compensation carbone » dans l’espoir de contrebalancer les émissions générées par les voyages en avion est une mesure très prisée des entreprises ou organisations s’efforçant d’adopter une politique de déplacements plus durable. Mais ladite compensation ne s’accompagne généralement d’aucun changement réel des pratiques et des politiques de transport, et se révèle quasi inutile en termes de réduction des émissions.

Les projets de compensation carbone peuvent ainsi par exemple consister à produire de l’énergie à partir de biométhane (produit en grande quantité par l’élevage insdustriel) ou à construire des centrales hydroélectriques censées éviter l’utilisation de combustibles fossiles. Des projets de préservation de la forêt ou de plantations d’arbres peuvent également donner lieu à la vente de crédits de compensation, censés représenter des réductions d’émissions effectuées pour le compte de l’industrie du transport aérien.

Des études montrent que la majorité des projets n’évaluent pas correctement leurs réductions d’émissions. L’institut allemand de recherche sur l’environnement Öko-Institut a analysé pour le compte de la Commission Européenne l’efficacité des projets de compensation existants et a conclu que seuls 2% de ceux-ci ont une probabilité élévée de donner lieu à des réductions d’émissions réellement additionnelles. Ainsi, à titre d’exemple, une centrale hydroélectrique dont la construction était planifiée de toute façon, ne devrait pas être éligible à des crédits carbone permettant à d’autres de polluer plus.

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Ces projets sont de plus situés pour la plupart dans les pays du Sud et donnent souvent lieu à des conflits locaux ou à des expropriations de terres. C’est particulièrement le cas des projets relatifs à la gestion des terres et des forêts comme REDD+ (Reducing Emissions from Deforestation and forest Degradation). Les petits propriétaires et les populations autochtones se voient interdire l’utilisation de la forêt selon leurs habitudes ancestrales, cela afin de stocker du carbone dans les arbres en quantités prédéfinies.

En somme, la compensation est injuste et assimilable à une sorte de colonialisme du carbone. Pour permettre à une petite partie de la population mondiale de prendre sans arrêt l’avion tout en gardant bonne conscience au plan écologique, certaines populations doivent en payer le prix : ce sont souvent celles dont les émissions sont déjà très basses, dont la contribution historique au changement climatique est négligeable, et qui de surcroit doivent déjà faire face aux impacts de la crise climatique.

On a parfois pu prétendre que le fait de rendre la compensation possible en « dernier recours » seulement, et d’essayer de compenser les émissions localement (par exemple dans la ville ou l’organisation où se situent les émissions à compenser), permet d’éviter de contribuer à des injustices. Mais il n’en demeure pas moins que la compensation fait alors office de permis de polluer et participe au statu quo. Ainsi, celle-ci retarde les réformes indispensables de notre système de mobilité.

Cet article a été publié dans le rapport Décroissance du transport aérien. Vous pouvez lire le rapport complet ici. Pour en savoir plus sur la compensation carbone, consultez notre rapport L’illusion de l’aviation verte.