Les pilotes se trompent de combat : augmenter la taxe sur les billets d’avion contribue à préserver à la fois la planète, ses habitants et l’avenir du secteur
13 Nov, 2024

L’UFCNA (Union française contre les nuisances des aéronefs) et le réseau Rester sur Terre réagissent à l’appel à la grève de ce jeudi 14/11 du Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL). Celui-ci proteste contre l’augmentation de la taxe sur les billets d’avion, qu’il juge « mortifère pour les emplois ». En réalité, cette taxe rééquilibre – un peu – une fiscalité anormalement favorable à l’avion qui profite à une minorité de personnes, au détriment de la santé des populations survolées et du climat. Les associations soulignent que c’est la poursuite de la croissance à tout prix et l’impréparation du secteur aux défis environnementaux, qui mettent en danger ses salarié·es, comme le démontrent les nombreux rapports sur le sujet.

13/11/2024 – L’Assemblée nationale a adopté le 8 novembre un amendement du gouvernement qui prévoit de collecter 1 milliard d’euros supplémentaires en 2025 via la taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA). Cela peut paraître beaucoup en comparaison des recettes actuelles, de l’ordre de 0,5 milliard. Mais c’est très peu au regard des exemptions fiscales (taxe kérosène (*) et TVA sur les billets internationaux) dont bénéficie le secteur depuis trop longtemps.
Et le nouveau barème, qui serait de 9,50€, 15€ ou 40€ selon la distance en classe éco, apparaît également faible si on le compare aux taxes appliquées chez nos principaux voisins ; le risque de perte de compétitivité que déclare craindre le SNPL est donc limité.

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Montant 2024 de la taxe sur les billets d’avion en classe éco dans les pays hébergeant les 4 principaux aéroports européens (RAC- 2024). Le nouveau barème voté par l’Assemblée nationale le 8 novembre la ferait passer en France à 9,50 €, 15 € ou 40 € selon la distance.

D’après l’ONG Transport & Environnement, si la France appliquait le même barème que l’Allemagne ou le Royaume-Uni, elle pourrait engranger non pas 1, mais 2,5 ou 3,5 milliards d’euros supplémentaires chaque année. En outre, la mesure est socialement juste car elle touchera essentiellement les personnes aux plus hauts revenus qui contribuent majoritairement le plus par leurs voyages au réchauffement climatique et aux nuisances pour les populations survolées, tout en n’affectant qu’à la marge ceux qui souffrent de l’augmentation du coût de la vie.

Les privilèges fiscaux, les subventions et les incitations financières dont bénéficie l’aérien lui ont permis de maintenir des prix bas et de gonfler artificiellement la demande, alors qu’il apparaît de plus en plus nécessaire de la freiner face à l’ampleur des défis environnementaux et de santé publique. Aucune solution de décarbonation n’est en effet prête – ni même en vue – à l’échelle requise, et les riverains d’aéroports continuent à souffrir et mourir du bruit et de la pollution de l’air sans solution à terme.
Il faut donc également privilégier les alternatives moins carbonées. La récente pétition Trains trop chers : taxons l’avion, portée par Camille Etienne, le Réseau Action Climat et le réseau Rester sur Terre, et signée par plus de 25 000 personnes, demandait instamment aux parlementaires d’affecter les recettes de cette taxe au financement du train. Selon Camille Etienne, « Cette taxe votée par les députés est une bataille gagnée contre l’impunité fiscale du secteur aérien. Il devenait injustifiable que le moyen de transport qui contribue le plus largement aux effets du dérèglement climatique soit aussi le seul qui ne participe pas au financement collectif de l’Etat. Mais la priorité maintenant c’est de s’assurer que cette taxe soit juste, et donc fléchée :  les recettes doivent être directement redirigées vers l’objectif de rendre le transport ferroviaire accessible à tous les français. Car aujourd’hui, c’est loin d’être le cas. Si cette mesure voit le jour, alors on pourra véritablement parler de bascule écologique du transport en France ».

Soutenir le comportement irresponsable du secteur qui s’oppose à toute entrave à sa croissance, c’est se tirer une balle dans le pied. Anticiper la transition indispensable est plus à même de sauver les emplois dans l’aérien que de poursuivre la fuite en avant.
« Dans le sondage de la CGT Airbus 2024, plus de 75% des salariés se disent au moins préoccupés, voire anxieux, face à la question environnementale, et plus de 60% ont des doutes concernant la stratégie de l’entreprise face au problème. Ils ont conscience de ne pas être à la hauteur de l’enjeu et que les progrès techniques envisagés ne suffiront pas. » précise Salomé Lesbats, cofondatrice du Collectif Atterrissons de Toulouse.

Contacts presse :

  • Charlène Fleury – Rester sur Terre : 07 82 79 11 17 | charlene@stay-grounded.org
  • Chantal Beer-Demander – UFCNA : 06 25 43 22 33 | ufcna.ccnaat@gmail.com
  • Salomé Lesbats – Collectif Atterrissons Toulouse (anciens salariés du secteur aérien) :  06 61 63 01 33 | salome.lesbats@live.fr

(*) Une taxe kérosène pourrait rapporter environ 7 milliards € TVA incluse si on appliquait le même taux que l’essence : https://www.i4ce.org/publication/depenses-fiscales-defavorables-au-climat-quelles-sont-elles-et-combien-coutent-elles/

Photo de Blake Guidry sur Unsplash