Pollution atmosphérique due aux avions, la grande oubliée

Les effets de la pollution de l’air sur la santé humaine ne sont plus à démontrer !

Pollution atmosphérique avionsDes troubles incluant la bronchiolite des nourrissons, l’asthme (doublement des personnes atteintes au cours des 20 dernières années), les maladies cardio-vasculaires, le cancer (l’Organisation Mondiale de la Santé affirme que le diesel est un cancérogène certain)…. toutes ces pathologies augmentent de façon dramatique le nombre de décès prématurés. En tête de sa brochure de présentation de la prochaine Journée Nationale de la Qualité de l’Air le Ministère de la transition écologique affiche : La qualité de l’air, troisième sujet de préoccupation environnementale des Français – 40 000 décès prématurés par an sont causés par la pollution de l’air en France. Soit plus que les décès dus à la COVID en 2020, selon la dernière étude de l’INED (Institut National d’Etudes Démographiques).

Il faut préciser deux points :

  • Tout le monde en France n’est pas soumis au même risque. Loin de là ! Les zones les plus dangereuses sont celles où se concentrent les principaux polluants : NOx  (oxydes d’azote), ozone, particules fines et ultrafines. Le sujet est techniquement complexe car certains polluants peuvent se combiner entre eux. Ils sont principalement émis par les combustions, moteur thermique, réacteur, chaudière, poêle à bois ou autre combustible…etc.
  • La qualité de l’air est donc une affaire de concentration LOCALE et les zones à risque se trouvent sans surprise dans les grandes agglomérations et autour des grands équipements tels que les aéroports par exemple. La réglementation fixe des limites de concentration de polluants à ne pas dépasser, soit lors de pics de pollution, servant alors de seuil de déclenchement d’alertes (malheureusement de plus en plus fréquentes), soit en moyenne, annuelle par exemple.

Émissions de CO2 et qualité locale de l’air. Ne pas confondre !

Comme indiqué plus haut ces questions de pollution et de qualité de l’air sont complexes et quand on n’est pas chimiste il est bien naturel de s’y perdre un peu. Et notamment de ne pas bien distinguer la pollution due au CO2, gaz à effet de serre provoquant le réchauffement de la planète, de la pollution chimique qui dégrade localement la qualité de l’air.

Les deux sont bien sûr à maîtriser impérativement mais les médias trop souvent communiquent sur la pollution en général sans faire le détail et en mettant l’accent sur le seul CO2. Or ce serait une lourde erreur, pour les populations concernées, de croire qu’en réduisant, à terme, les émissions de gaz à effet de serre on préservera leur santé. C’est ainsi par exemple que les carburants alternatifs envisagés pour décarboner l’aviation, même l’hydrogène, émettront autant de NOx que le kérosène si on ne développe pas de nouveaux réacteurs. Et que si les biocarburants et les carburants synthétiques devraient permettre de réduire les particules fines et ultra-fines, ils ne pourront pas être généralisés avant plusieurs décennies et qu’on risque d’attendre longtemps une flotte d’avions à hydrogène sur nos grands aéroports !

Et les avions ?

L’aviation commerciale fonctionne encore pour longtemps au kérosène, un carburant comparable au gazole, et les moteurs d’avions sont donc comparables aux moteurs diesel : ils émettent les mêmes polluants locaux, notamment des particules fines et ultrafines (carbone suie et sulfates), et des NOx (oxydes d’azote). Ils émettent en plus du SO2 (dioxyde de soufre) qui résulte de la combustion du soufre résiduel présent dans le kérosène, SO2 qui se transforme ensuite en particules ultrafines de sulfate. Et personne n’envisage de mettre un filtre à particules ou un pot catalytique en sortie de réacteur ! Il n’est donc pas étonnant, comme le montre la carte ci-contre, tirée du dernier bilan Airparif autour de Roissy et du Bourget, de constater que les quelques 90 000 employés que compte Paris CDG sont soumis à des niveaux de pollution locale nuisible à leur santé comparables à ceux observés au centre de Paris.

NOx 2019 aéroports Roissy et Le Bourget

Il a fallu attendre le début des années 2000 pour qu’enfin ce problème de la pollution locale de l’air autour des grands aéroports ne soit plus tabou en France. Le 10 février 2004 le Parisien titrait Roissy pollue autant que le périphérique et le 25 octobre de la même année Actu-Environnement titrait à son tour Orly produit autant de NOx que la moitié du périphérique parisien.

Concernant ces polluants locaux, si l’industrie et les transports routiers réduisent petit à petit leurs émissions, rien n’est fait dans le domaine du transport aérien, malgré l’existence de solutions techniquement viables à échéance raisonnable, comme la réduction du taux d’aromatiques du kérosène pour réduire les suies, la désulfuration du kérosène pour réduire les particules ultra fines de sulfate ou l’optimisation des moteurs pour réduire les émissions de NOx. Il y a un manque de volonté politique évident, d’autant plus choquant que les émissions de suie et de NOx contribuent également de manière importante au réchauffement climatique.

Côté pollution, les réacteurs modernes ont tout misé ces dernières décennies sur la réduction de la consommation de kérosène et donc des émissions de CO2. Les polluants locaux, par contre, continuent à être déversés en masse autour des aéroports et sous les couloirs aériens à basse altitude. Encore récemment SAFRAN, notre constructeur national de réacteurs, présentait un prototype open rotor spectaculaire, déclarant qu’il était capable de faire économiser aux avions 20% de carburant, et autant d’émissions de CO2. Pas un mot sur la pollution locale de l’air, ni sur le bruit, nuisance majeure de l’aviation commerciale, alors que cette technologie de rotor non caréné est a priori nettement plus bruyante que les réacteurs actuellement en service.

En l’absence de mise en œuvre de solutions technologiques, la solution la plus efficace pour maîtriser la pollution locale de l’air autour des aéroports reste d’en réduire le trafic ! Le lobby du transport aérien ne le sait que trop bien et a engagé depuis des années deux stratégies de contournement auprès de l’opinion publique :

  1. Se concentrer sur le seul CO2 quand on parle de pollution. Ce qui a pour énorme avantage de faire porter tous les efforts sur la seule réduction de consommation de kérosène et donc du prix du billet.
  2. Concernant la quantification des polluants locaux se concentrer sur les seules activités au sol des avions qui ne représentent qu’une petite partie (à peu près 16 % à Roissy en 2016) des émissions totales. Double avantage : considérablement minimiser les chiffres de la pollution et surtout, ces activités au sol étant les seules pour lesquelles des solutions techniques raisonnables à court terme sont envisageables (engins de piste électriques et restriction sévère des APU), il est possible en procédant de la sorte de faire croire au grand public que la pollution baisse !

Le cas des particules fines et ultrafines est particulièrement préoccupant dans le cas des avions. Dès 2007 le Professeur Francelyne MARANO, Présidente de la Commission spécialisée Risques liés à l’environnement du Haut conseil de la Santé Publique (HSCP) alertait dans un article de la revue Pollution atmosphérique titré A-t-on raison de considérer que les particules atmosphériques fines et ultrafines sont dangereuses pour la santé ? et concluait : « Il devient donc de plus en plus évident (…) que les particules fines et ultrafines posent des problèmes sanitaires particuliers et que la réglementation doit évoluer. » Notamment pour les avions dont une étude bibliographique de l’ACNUSA précisait en 2007 : « Il s’avère donc que les réacteurs d’avion sont une source importante de PUF. De plus, ils émettent des PUF particulièrement petites. » PUF (Particules Ultra Fines) dont la communauté scientifique s’accorde généralement pour considérer que plus elles sont petites plus elles sont dangereuses !

Une nécessaire évolution de la loi

Concernant la pollution atmosphérique, y compris des avions, la loi prend bien en compte le réchauffement climatique et les émissions de CO2, même si d’aucuns trouvent que c’est notoirement insuffisant. Mais, pour la pollution locale de l’air autour des grandes plateformes aéroportuaires, il n’y a que la LTECV (Loi de Transition Énergétique pour la Croissance Verte) d’août 2015 et son article 45 que le lobby du transport aérien a réussi à vider de sa substance en ne comptabilisant que les activités au sol, c’est à dire en ne tenant compte ni des décollages ni des atterrissages qui constituent le plus gros des émissions polluantes ! Rappelons que le cycle LTO correspond au roulage, au décollage et à l’atterrissage de l’avion et que comptabiliser les seules émissions du roulage est une omission coupable dénoncée par les associations de l’environnement et les riverains. De plus, ce n’est pas la quantité totale de polluants émis qui est réglementée, mais un indice relatif au trafic. Ce qui signifie que si le trafic augmente la pollution peut en faire autant ! Et enfin en ne fixant des limites qu’au niveau du pays, ce qui est pertinent pour le CO2 dont les effets se mesurent au niveau mondial, mais absurde pour la pollution locale autour des aéroports.

Il est grand temps que soient enfin engagées les modifications réglementaires et législatives nécessaires pour mieux protéger les nombreuses populations, notamment les employés sur les plateformes aéroportuaires, dont la santé est impactée par la pollution locale de l’air, NOx et particules fines et ultrafines, principalement suies et sulfates :

  • Réviser l’article 45 de la LTECV afin de fixer une limite à la quantité totale de polluants émis, quel que soit le trafic. Et pour les polluants locaux fixer des limites par aéroport et non au niveau national.
  • Instaurer une réglementation pour les particules (PUF) basée sur les dernières avancées scientifiques et réglementations internationales.

Voir aussi :
Pollution de l’air en France : L’Etat condamné une troisième fois pour son inaction. Communiqué de l’UFCNA (18 octobre 2022)
Dossier Pollution de l’air de l’Association de défense des riverains de l’aéroport de Bâle-Mulhouse (ADRA)
– Pollution de l’air : origines, situation et impacts, Ministère de la transition écologique

UFCNA / Rester sur Terre, juillet 2021