Questions-réponses sur l’aviation et la justice climatique

 

Envie de savoir pourquoi le transport aérien pose problème ? Voici les réponses aux questions les plus fréquentes sur l’aviation et la justice climatique.

 

Quel est l’impact climatique du transport aérien ?

Prévenir la crise climatique est le plus grand défi que l’humanité ait jamais eu à affronter.

Pour garantir un avenir décent à tous les habitants de la planète, nous devons limiter le réchauffement climatique autant que possible et éviter de franchir de dangereux points de bascule. Cela implique des efforts importants et urgents. Nous devons cesser de brûler des combustibles fossiles et changer les règles du système. Alors qu’aujourd’hui nous allons tout droit vers un désastre climatique.

L’avion est le moyen de transport le plus destructeur pour le climat. Le secteur aérien prétend qu’il n’est responsable que de 2% du réchauffement climatique. En fait, il ne prend en compte que le CO2, et encore sans inclure les émissions de CO2 liées à la production et la distribution du kérosène qui font remonter la proportion à 2,9 % des émissions mondiales de CO2 d’origine humaine (chiffres 2018).

Mais l’impact climatique de l’avion ne se limite pas au CO2. En 2018, le transport aérien a contribué aux émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine à hauteur d’environ 6 %. (En Europe, où vivent bon nombre de passagers aériens réguliers, cette proportion est encore plus grande). La raison en est que les avions génèrent des traînées de condensation qui se transforment en nuages, ainsi que des NOx, qui contribuent également au réchauffement climatique, faisant bondir l’impact climatique de l’aérien à trois fois l’impact du seul CO2.

Bien qu’il existe des moyens de réduire les impacts autres que ceux du CO2, comme l’évitement des zones propices à la formation des traînées de condensation ou l’utilisation de carburants à faible teneur en aromatiques, ces moyens ne sont pas encore prêts à être mis en œuvre et leur efficacité est incertaine. Le moyen le plus immédiat et le plus efficace de réduire tous les impacts climatiques de l’aviation est donc de réduire le trafic.

A ce jour, le transport aérien a déjà contribué pour 3,5 % au réchauffement climatique d’origine humaine. Ce chiffre est supérieur à la contribution de certains pays (Inde, Canada), voire de certains continents (Afrique, Amérique du Sud).

Pour ne rien arranger, la pollution due au transport aérien est en croissance. Depuis 1980, les émissions mondiales du transport aérien ont doublé. Entre 2013 et 2019, les émissions liées au transport de passagers ont augmenté de 33 %.

Après une courte pause au cours des premiers mois de la pandémie de Covid-19, avec des avions cloués au sol dans le monde entier, le secteur a renoué avec la croissance.

En 2023, le transport aérien dans l’UE a « rebondi » pour atteindre 94 % des niveaux d’avant la pandémie et on prévoit une augmentation de 62 % d’ici 2050 par rapport à 2019.

Si le transport aérien retrouve les taux de croissance d’avant la pandémie, le trafic aérien à lui seul contribuerait massivement, à hauteur de 0,1˚C, au réchauffement de la planète d’ici 2050, dont la moitié entre maintenant et 2050, soit 17 % des 0,3 °C restants pour ne pas dépasser 1,5 °C de réchauffement. C’est énorme, surtout si l’on considère que cet impact est causé par la très petite part de la population mondiale qui prend l’avion, de manière occasionnelle et avec moins de nécessité que, par exemple, le chauffage quotidien d’une maison en hiver.

Il est important de militer dès maintenant contre la croissance du transport aérien car il sera beaucoup plus difficile de faire décroître le secteur plus tard que de limiter sa croissance aujourd’hui.

 

 

Prendre l’avion est-il mauvais pour l’empreinte carbone ?

Prendre l’avion est l’une des activités les plus polluantes pour le climat. On ne peut avoir un mode de vie compatible 1,5 degré et continuer à prendre l’avion.

Pour éviter que le réchauffement ne dépasse 1,5 °C d’ici à 2050, nous ne devons pas dépasser le budget carbone restant. Supposons un instant que nous fassions preuve d’équité et que nous attribuions à chaque habitant de la planète une part égale de ce budget. Quelle devrait être leur empreinte durable en incluant TOUTES les émissions de CO2 liées aux activités humaines, l’alimentation, le chauffage, la mobilité, etc. ?

1.5 degree english

Les émissions d’un vol aller-retour Londres-New York, représentent cinq fois l’empreinte durable moyenne que chaque personne devrait avoir d’ici à 2050 pour ne pas dépasser la limite de 1,5 °C. Même un vol court-courrier comme Londres-Rome représente une part disproportionnée des émissions et n’est absolument pas nécessaire quand existent de bonnes infrastructures ferroviaires comme en Europe.

Décider de ne pas prendre l’avion a un impact considérable sur un budget de CO2 individuel, plus important que la plupart des autres choix durables. En renonçant à un Londres-NY, on peut éviter 4 fois plus d’émissions de gaz à effet de serre qu’en étant végan et 17 fois plus qu’en recyclant pendant une année entière.

Les personnes les plus vulnérables ont une empreinte annuelle bien inférieure à celle d’un vol long-courrier : ainsi par exemple, l’empreinte moyenne d’une personne vivant en Inde ne représente qu’un peu plus de la moitié des émissions d’un vol Londres-NY.

Si tous les habitants de la planète, soit près de huit milliards de personnes, faisaient un aller-retour Londres-New York par an, le budget CO2 pour ne pas dépasser 1,5 degré de réchauffement (environ 320 Gt) serait épuisé en 34 ans rien qu’à cause de l’avion. Ce chiffre ne tient pas compte des impacts climatiques hors CO2, qui portent l’impact total de l’aviation à trois fois celui du CO2. Cela montre bien que si nous voulons protéger le climat, prendre l’avion ne peut pas être la norme comme ça l’est actuellement pour une petite partie de la population mondiale.

 

La bonne nouvelle, c’est qu’il existe des alternatives à l’avion respectueuses du climat. À l’heure actuelle, la possibilité de prendre le train dépend de la qualité de l’infrastructure ferroviaire et des distances à parcourir. C’est le cas en Europe, où il est facile de remplacer l’avion par le train. Cela fait une énorme différence. Le graphique présente des données relatives à l’Autriche (pour 2023), où les trains fonctionnent avec un pourcentage élevé d’énergies renouvelables, ce qu’il faut viser. Un voyage en train émet entre 29 et 45 fois moins de CO2e par passager.km que le même voyage en avion (selon qu’il s’agit d’un vol de plus de 4 000 km ou de moins de 1000 km) !

 

 

 

En quoi l'avion est-il source d'injustice ?

« Le mode de vie jet-set de Bill Gates et Paris Hilton fait qu’ils génèrent 10 000 fois plus d’émissions de carbone par leurs déplacements en avion qu’une personne moyenne », selon une étude scientifique récente.

Qui prend l’avion, qui ne le prend pas – et qui ne peut pas ?

Si, pour de nombreux Européens de l’Ouest, il peut sembler normal de prendre l’avion, ce n’est le cas que depuis quelques dizaines d’années et ce n’est toujours pas la norme au niveau mondial. Seule une petite minorité de la population prend l’avion : en 2018, 2 à 4 % de la population mondiale avait effectué un vol international et 80 % n’a jamais pris l’avion. Cela fait que 1 % de la population mondiale est responsable de 50 % de l’ensemble des émissions liées au transport aérien. Et que 90 % ont été générées dans les pays à revenu élevé ou moyen-supérieur.

Comme nous l’avons montré plus haut, les personnes les plus vulnérables ont une empreinte carbone annuelle bien inférieure à celle d’un vol long-courrier, et un tel vol dépasse de loin l’empreinte durable annuelle moyenne par personne qui permettrait de maintenir l’augmentation de la température en dessous de 1,5°C. L’aérien est le moyen de transport le plus inégalitaire.

 

En fait, si tout le monde volait comme les 10 % d’Européens les plus riches, cela ferait exploser notre budget carbone : le transport aérien à lui seul émettrait 23 Gt de CO2 par an, soit deux tiers des émissions mondiales annuelles.

 

 

 

Mais ce n’est pas seulement votre mode de vie ou vos ressources financières qui déterminent la manière dont vous voyagez : beaucoup de gens ne peuvent pas prendre l’avion pour se rendre dans d’autres pays en raison de politiques migratoires restrictives. Le passeport que vous possédez détermine le nombre de pays où vous pouvez vous rendre sans visa.

Il faut aussi s’intéresser aux différentes raisons de prendre l’avion. Prendre l’avion tous les mois pour aller passer un long week-end dans sa villa en Toscane est-il aussi important qu’aller rendre visite tous les deux ans à sa famille vivant sur un autre continent ?

Une petite minorité de grands voyageurs réchauffe la planète au détriment des générations futures et des habitants du Sud géopolitique qui sont les premiers à en souffrir, et met en danger les écosystèmes et les riverains d’aéroport exposés au bruit et aux émissions polluantes des avions. Il faut combattre l’injustice de l’avion en faisant pression pour obtenir des mesures politiques telles qu’une taxe grands voyageurs aériens.

Pour en savoir plus sur l’injustice des transports aériens, consultez notre fiche La mobilité aérienne, emblème de l’injustice climatique.

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Quelle est la conséquence de la multiplication des aéroports ?

Il ne s’agit pas seulement du climat. Lorsque le trafic aérien croît, cela a beaucoup d’autres conséquences au niveau du sol.

Des centaines de nouveaux aéroports et d’expansions aéroportuaires sont prévus pour alimenter la croissance fulgurante du transport aérien. En 2017, 550 nouveaux aéroports ou pistes étaient prévus ou en cours de construction dans le monde, ainsi que des agrandissements de pistes, de nouveaux terminaux, etc., soit au total plus de 1200 projets d’infrastructure. Ces nouveaux aéroports ne font pas qu’alimenter la croissance du trafic, ils s’accompagnent souvent de graves dommages sociaux et écologiques.

La plupart d’entre eux engendrent la mainmise sur de nouvelles terres, la destruction d’écosystèmes, le déplacement de populations, l’augmentation de la pollution locale et des risques sanitaires. Le bruit et la pollution de l’air sont un problème majeur pour les gens habitant à proximité des aéroports. De plus en plus d’aéroports, en particulier dans le Sud géopolitique, deviennent des « aérotropoles », des villes aéroportuaires entourées de zones commerciales et industrielles, d’hôtels, de centres commerciaux, de hubs logistiques, de routes, ou sont connectés à des zones économiques spéciales. Ces projets sont souvent à l’origine de violations des Droits de l’Homme.

Les aéroports sont des infrastructures clefs pour l’économie capitaliste mondialisée. Ils sont nécessaires à la production en flux tendu et au commerce, aux voyages d’affaires et au tourisme, ainsi que pour expulser les migrants indésirables. Une résistance efficace contre les projets aéroportuaires peut empêcher la domination d’un mode de transport destructeur et à forte intensité d’émissions.

La carte des résistances contre les injustices liées aux aéroports (voir photo) rassemble des études de cas d’injustices diverses liées aux projets d’aéroports dans le monde entier. Elle a été élaborée en collaboration avec l’Atlas de la justice environnementale. Les investigations ont permis de recenser 80 conflits aéroportuaires et plus de 300 projets aéroportuaires où les conflits sont latents et mériteraient d’être étudiés plus en profondeur. Pour plus d’informations ou pour partager des informations sur un conflit aéroportuaire, contacter mapping[at]stay-grounded[dot]org

En savoir plus sur l’extension des aéroports.

 

 

 

Pourquoi la compensation carbone n’est-elle pas la solution ?

« Prendre l’avion n’est pas un problème si vous payez un peu plus pour compenser vos émissions. » – voilà le message des compagnies aériennes à leurs clients. Ainsi, de nombreuses organisations et entreprises qui tentent d’adopter des politiques de voyage plus durables ont recours à la compensation carbone. Mais ce n’est pas tout : le seul accord international en vigueur portant sur les émissions de CO2 de l’aviation, CORSIA, s’appuie lui aussi sur le mécanisme de compensation. Qu’y a-t-il derrière ces compensations ?

Qu’est-ce que la compensation carbone ?

Lors de l’achat de compensations, les entreprises ou les particuliers paient d’autres secteurs, directement ou par l’entremise d’entreprises spécialisées, pour qu’ils réduisent leurs émissions, plutôt que de réduire celles dont ils sont à l’origine. Les projets de compensation carbone sont principalement situés dans les pays du Sud géopolitique. Beaucoup d’entre eux sont des projets hydroélectriques visant à réduire la dépendance aux combustibles fossiles. Mais la conservation des forêts, la reforestation ou la diffusion de foyers de cuisson améliorés font également l’objet de crédits carbone.

Quels problèmes la compensation carbone pose-t-elle ?

La compensation ne réduit pas les émissions :

L’idée même de compensation est fallacieuse. La compensation carbone ne réduit pas les émissions. La réduction obtenue par les projets de compensation est neutralisée par les émissions pour lesquelles les compensations sont achetées. Il faut à la fois mener des projets de réduction des émissions dans d’autres secteurs ou d’élimination du carbone atmosphérique, et réduire les émissions du transport aérien.
La compensation détourne de la réalisation des objectifs climatiques mondiaux et de l’urgence de la réduction du trafic aérien, et elle justifie la poursuite de la croissance du secteur.

En plus de ce problème sur le fond, de nombreux projets de compensation sont frauduleux ou ne répondent pas aux normes de qualité et ne conduisent donc pas à de véritables réductions d’émissions. Les projets de plantation d’arbres et de protection des forêts, les plus populaires, n’ont aucune garantie de pérennité et leur potentiel est limité en raison du manque de terres disponibles. D’autre part, les réductions d’émissions doivent être additionnelles, c’est-à-dire qu’elles n’auraient pas lieu sans le financement assuré par la compensation. Dans la pratique, ce n’est souvent pas le cas, la centrale hydroélectrique, par exemple, aurait été construite de toute façon.

Une étude de 2016 de l’Öko-Institut a montré que de nombreux projets de compensation font des estimations erronées : seuls 2 % de ceux de l’ONU avaient une forte probabilité de donner lieu à des réductions additionnelles d’émissions (voir graphique).

Plus récemment, l’enquête menée par « The Guardian », « Time » et « SourceMaterial » sur l’entreprise américaine Verra, le plus grand certificateur sur le marché du carbone libre, a montré que 90 % des certificats relatifs à la protection des forêts en Amérique latine et en Afrique n’avaient aucune valeur. La raison en est que de nombreuses zones protégées (où les actions de protection sont vendues comme compensation) ne sont guère menacées par la déforestation. Et dans les rares cas où les projets ont eu un impact sur la déforestation, l’effet sur le climat a été beaucoup plus faible que ce qu’affirmait Verra. Conclusion : Verra a surestimé la menace qui pèse sur les forêts de 400 % en moyenne, voire de 950 % dans certains cas.

La compensation pose souvent des problèmes d’environnement et de droits de l’homme. Comme cela coûte moins cher de compenser dans les pays du Sud géopolitique, c’est là que se trouvent la plupart des projets. Ils sont souvent à l’origine de conflits locaux ou d’accaparement de terres. C’est particulièrement le cas des projets fonciers ou forestiers, comme REDD+ (réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts). Souvent, les petits exploitants et les populations autochtones sont empêchés d’utiliser la forêt selon leurs traditions pour stocker autant de carbone qu’attendu dans les arbres. Voir également notre enquête et notre article sur la réalité des compensations carbone et la manière dont elles sont utilisées par le secteur aérien.

Les compensations permettent à une minorité riche de polluer. Elles donnent bonne conscience à ceux qui prennent régulièrement l’avion tout en privant la majorité de ceux qui ne prennent pas l’avion de ressources vitales.

La compensation est également l’élément principal du système CORSIA (Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation, en français « Régime de compensation et de réduction de carbone pour l’aviation internationale »), un accord faible et non contraignant de l’OACI (Organisation de l’aviation civile internationale). Plus d’information dans la fiche greenwashing sur la compensation.

En résumé : les compensations sont un permis de polluer. Elles légitiment le maintien du statu quo, ne marchent pas et aggravent les inégalités dans le monde.

En savoir plus :

 

 

 

 

L'avion « vert » est-il possible ?

Confronté à la montée des critiques et à la nécessité de défendre ses plans de croissance nuisibles au climat pour l’après COVID-19, le secteur aérien renforce son offensive de promotion de l’ « aviation verte ». Dans des campagnes de greenwashing, il annonce son intention d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Pour cela, il s’appuie principalement sur l’efficacité énergétique, les carburants alternatifs soi-disant « durables » et la compensation carbone. Le problème est que la croissance du transport aérien n’est pas remise en question et que les solutions proposées sont loin de résoudre le problème de l’impact climatique des avions.

Le secteur aérien a déjà perdu plusieurs procès pour avoir fallacieusement prétendu être « vert ». Ainsi un tribunal néerlandais a jugé en mars 2024 que la compagnie aérienne KLM avait induit ses clients en erreur avec des affirmations environnementales vagues et avait brossé « un tableau trop rose » de son carburant d’aviation « durable ». Cette décision a été suivie peu après d’un jugement contre la compagnie Eurowings, à qui il a été interdit de présenter ses vols dans sa pub comme « neutres en CO2 » grâce à la compensation. En avril 2024, la Commission européenne a entamé une action contre 20 compagnies aériennes pour pratiques trompeuses à l’égard des consommateurs, notamment l’utilisation de l’expression « carburants d’aviation durables », car leur durabilité est discutable et, dans la plupart des cas, impossible à prouver.

Dans notre série de fiches sur le greenwashing, nous démontons les mythes et les idées fausses les plus répandus.

Efficacité énergétique : des progrès insuffisants
L’utilisation de nouvelles technologies pour les nouveaux modèles d’avions devrait permettre des gains d’efficacité de 1,3 % par an. Toutefois, ces gains sont largement annulés par la croissance du trafic. D’autre part, ils permettent de baisser les prix et encouragent les gens à prendre encore plus l’avion. Sachant que le secteur aérien (Boeing et Airbus) prévoit une croissance annuelle des passagers.km d’au moins 4,3%, les réductions d’émissions procurées par les gains d’efficacité ne jouent qu’à la marge.
Pour en savoir plus, consulter la fiche Greenwashing N° 1 sur l’amélioration de l’efficacité.

Les agro ou biocarburants : une alternative problématique
Le secteur prévoit de remplacer une partie du kérosène fossile par des agro ou des biocarburants. Cela fait plus de dix ans qu’il promet d’augmenter leur production sans que cela se concrétise. En 2023, 600 000 m3 d’agro et biocarburants d’aviation ont été produits, soit seulement 0,2 % de la consommation mondiale de kérosène. Bien que ce soit très peu, le secteur prévoit qu’en 2050, la part des agro et biocarburants pourrait être 416 fois ( !) plus élevée qu’aujourd’hui (250 millions de m3, ATAG 2021).

Même si cette projection n’est pas très réaliste, les conséquences de toute augmentation substantielle pourraient être désastreuses. Bien que le secteur dise qu’il n’utilisera que des biocarburants avancés fabriqués à partir de déchets, le recours à des agrocarburants issus de cultures n’est pas exclu. Or il a été démontré qu’ils ont des incidences environnementales et sociales graves, telles que la perte de biodiversité, la hausse des prix des denrées alimentaires et des pénuries d’eau.

De plus, ces alternatives peuvent générer plus de gaz à effet de serre que les carburants fossiles qu’elles sont supposées remplacer. Ainsi, l’huile de palme, considérée comme l’option la plus viable, génère au moins trois fois plus de gaz à effet de serre que les combustibles fossiles selon une étude de la Commission européenne (voir graphique).

D’autre part, les déchets de biomasse employés pour produire des biocarburants ne sont disponibles qu’en quantité limitée et pourraient être utilisés plus efficacement par d’autres secteurs. Et certains posent des problèmes, comme les graisses animales dont l’augmentation de la demande bénéficie aux abattoirs, ou les huiles usagées dont l’importation dans l’UE a pour conséquence leur remplacement dans les pays exportateurs asiatiques par de l’huile de palme problématique. Il y a également eu plusieurs cas de fraude, où des agrocarburants ont été étiquetés comme des biocarburants à base de déchets.

Enfin, les agro et biocarburants ne réduiraient que partiellement les émissions hors CO2, qui représentent une part importante de l’impact climatique du transport aérien.

Pour en savoir plus, consulter la fiche Greenwashing N° 4 sur les agro et biocarburants ainsi que notre étude de cas sur une raffinerie d’agrocarburants au Paraguay, un exemple flagrant de production non durable d’agrocarburants.

L’avion électrique : capacité et rayon d’action trop faibles
Les avions électriques susceptibles d’être certifiés d’ici 2030 ne pourront transporter que très peu de passagers et leur rayon d’action sera faible.
Les batteries sont trop lourdes pour remplacer les carburants. Il faut en effet 25-30 kg de batteries pour remplacer 1 kg de carburant (voir infographie).
Et comme il s’agit de vols courts, voire très courts, on peut dans la plupart des cas, leur substituer des transports terrestres moins gourmands en énergie.
Pour en savoir plus, consulter la fiche Greenwashing N° 2 sur l’avion électrique.

 

Hydrogène : trop tard et pas zéro émissions
L’hydrogène n’est pas envisageable pour les moyen- et long-courriers avant 2050. D’ici là, seuls les vols régionaux ou court-courriers sont susceptibles d’être convertis à l’hydrogène, mais une grande partie d’entre eux peuvent être transférés au rail ou à la route. Pour être durable, l’hydrogène doit être produit à partir d’énergies renouvelables, alors qu’aujourd’hui la quasi-totalité de sa production ne l’est pas. Construire de nouvelles capacités de production dans des pays ensoleillés du Sud géopolitique et exporter l’hydrogène vers les pays du Nord, où la majeure partie de l’hydrogène est utilisée et où la plupart des profits sont réalisés grâce à cette nouvelle technologie, conduirait à reproduire les anciennes pratiques coloniales.
Pour en savoir plus, consulter la fiche Greenwashing N° 3 sur l’avion à hydrogène.

E-carburants : un espoir mal placé
Les carburants synthétiques fabriqués à partir d’électricité (e-carburants) sont techniquement faisables, mais il n’existe encore aucune unité de production de taille industrielle. Il faudrait consentir de lourds investissements sur plusieurs décennies pour mettre en place des capacités de production suffisantes. Et convertir de l’électricité en carburant liquide est très gourmand en énergie, alors que nous sommes encore loin de produire suffisamment d’énergie renouvelable pour les transports terrestres, l’agriculture ou le chauffage. Si tout le kérosène utilisé en 2019 avait été remplacé par des e-carburants, il aurait fallu deux fois et demi plus d’électricité renouvelable qu’on n’en produisait alors au niveau mondial. C’est d’autant plus choquant qu’une bonne part de l’impact climatique des émissions de l’aviation hors CO2 subsisterait – alors qu’on l’évalue aujourd’hui à environ deux fois celui des émissions de CO2.
Pour en savoir plus, consulter la fiche Greenwashing N° 5 sur les e-carburants.

Neutralité carbone
Atteindre la neutralité carbone (ou zéro émissions nettes) est actuellement l’objectif central auquel aspirent presque toutes les stratégies climatiques, que ce soit celles de l’industrie ou des gouvernements. Pour sa part, le secteur aérien s’est engagé à atteindre la neutralité carbone (zéro émissions CO2 nettes) d’ici 2050. Des émissions nettes nulles de CO2 sont atteintes lorsque les émissions anthropiques de CO2 restantes sont équilibrées au niveau mondial par des éliminations anthropiques de CO2 (GIEC). Elle autorise encore certaines émissions « difficiles à supprimer », à condition que des quantités équivalentes de CO2 soient retirées de l’atmosphère grâce à des puits de carbone naturels ou à des technologies de captage.

Mais atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050 ne sera pas suffisant si la juste part du transport aérien dans le budget carbone mondial pour 1,5 °C est dépassée bien avant 2050. Ce qui importe, ce sont les émissions cumulées. En outre, les technologies d’élimination du carbone n’ont pas encore fait leurs preuves et nécessitent beaucoup de ressources, ce qui soulève la question éthique de savoir dans quelle mesure le secteur aérien peut s’approprier le potentiel limité d’élimination du CO2. Enfin, les effets hors CO2 ne sont pas pris en compte dans les calculs de la neutralité carbone, alors qu’ils sont beaucoup trop importants pour être ignorés.
Les promesses de neutralité carbone diminuent le sentiment d’urgence, masquent l’inaction présente, permettent au secteurs polluants comme l’aérien d’échapper à leurs responsabilités.
Pour plus d’informations, voir nos fiches Greenwashing N° 6 sur la neutralité carbone et N° 8 sur les technologies d’émissions négatives.

Compenser les émissions : déplacer le problème au lieu de s’y attaquer
Comme il n’existe pas de solutions technologiques pour le futur proche, l’option la plus souvent mise en avant par le secteur aérien est la compensation carbone : les émissions sont compensées par l’achat de crédits carbone. Découvrez ici pourquoi ce choix ne résoudra pas le problème et pourrait même générer des problèmes encore plus graves.
Pour plus d’informations, voir la section sur la compensation et notre fiche Greenwashing N° 7 sur la compensation carbone.

 

 

 

 

 

Pourquoi le transport aérien est-il si peu réglementé pour son impact climatique ?

Par rapport à d’autres secteurs, les émissions du transport aérien sont particulièrement peu réglementées. Le secteur jouit d’un statut particulier. Par rapport à d’autres secteurs, il bénéficie d’énormes privilèges fiscaux, et ses émissions sont particulièrement peu réglementées. Le manque de réglementation du secteur aérien s’explique souvent par son importance historique pour la sécurité des pays. Les ventes d’équipements militaires représentent 20 % du chiffre d’affaires d’Airbus et 50 % de celui de Boeing. Les deux entreprises dominent la construction aéronautique mondiale et leurs appareils sont responsables de pas moins de 92 % des émissions du trafic aérien

Accord de Paris
De nombreux pays justifient leur refus de réglementer leur secteur aérien en soulignant que les objectifs de réduction de l’accord de l’ONU sur le climat ne concernent que les émissions ayant lieu à l’intérieur des frontières d’un pays, ce qui exclurait le transport aérien. Cet argument est incohérent, car les émissions liées aux produits exportés sont bien attribuées au pays d’origine. Le kérosène avitaillé dans chaque pays pourrait être comptabilisé facilement. La faiblesse de la réglementation explique également pourquoi l’avion est si peu cher par rapport à d’autres modes de transport.

Dans l’accord de Paris, comme dans son prédécesseur, le protocole de Kyoto, seul le transport aérien domestique fait l’objet de mesures propres à chaque pays et relève du système des Contributions déterminées au niveau national (CDN) de l’accord de Paris. Le transport aérien international, qui représente environ 65 % des émissions de l’aviation civile, n’est pas couvert.

CORSIA
C’est l’OACI (Organisation de l’aviation civile internationale), une agence des Nations unies, qui régit les émissions de l’aviation internationale dans le cadre de CORSIA (Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation, en français Régime de compensation et de réduction de carbone pour l’aviation internationale).

CORSIA repose sur la compensation de la croissance des émissions du transport aérien international en réduisant ou en évitant les émissions d’autres acteurs ailleurs ou en éliminant du carbone de l’atmosphère. Les compagnies aériennes doivent acheter des crédits carbone pour compenser leurs émissions de CO2. Comme détaillé plus haut, la compensation ne réduit pas les émissions. Une évaluation conduite par la Commission européenne en 2020 montre qu’aucun des projets de réduction des émissions de carbone et des programmes de compensation approuvés dans le cadre de CORSIA ne répond à tous les critères de durabilité requis. Par exemple, ils ne prévoient pas de dispositions pour éviter le double comptage, c’est-à-dire la comptabilisation des réductions d’émissions par la compagnie aérienne et par le pays qui accueille le programme de compensation. En outre, le prix de ces crédits carbone est beaucoup trop faible – l’impact sur le prix d’un billet Paris-New York ne dépasserait probablement pas 1,70 € en 2030.

Les compagnies aériennes peuvent également réduire leur obligation de compensation en utilisant des carburant alternatifs (les « CAD », ou carburants d’aviation soi-disant durables) ou d’autres carburants bas carbone, mais cela ne résoudra pas non plus le problème (voir pourquoi ici). En outre, les critères de CORSIA pour les CAD sont très discutables. Ainsi par exemple, CORSIA se satisfait d’une réduction des émissions de CO2 aussi faible que 10 %.

Comme si cela ne suffisait pas, CORSIA présente plusieurs autres problèmes :

  • Premièrement, la participation des compagnies aériennes à CORSIA reste facultative jusqu’en 2027. Et même après, l’OACI n’a pas les moyens légaux de faire respecter l’obligation de la mesure.
  • Deuxièmement, CORSIA ne vise à compenser les émissions de CO2 qu’au-delà d’un certain niveau de référence – à partir de 2024, ce niveau de référence est de 85 % des émissions de 2019, le pic historique des émissions du transport aérien. En dessous de ce seuil d’émissions, les compagnies aériennes sont libres de polluer comme elles l’entendent. Seule la croissance des émissions est prise en compte, laissant de côté la plus grande partie des émissions du transport aérien. Cela est en totale contradiction avec le fait que, pour éviter de dépasser le seuil de 1,5 °C de réchauffement planétaire, toutes les émissions doivent être réduites de 55 % d’ici à 2030, et pas seulement la part des émissions au-dessus du niveau de référence.
  • Troisièmement, les effets horsCO2 du transport aérien ne sont pas pris en compte, ce qui signifie qu’au moins les deux tiers de l’impact sur le climat sont ignorés.

Tout cela signifie que seule une petite partie des émissions sera compensée d’ici 2035, date à laquelle le système prendra fin. La majeure partie des émissions ne sera ni réduite ni compensée. Sans réduction drastique de ses propres émissions, le budget carbone du secteur aérien sera entièrement dépensé d’ici 2030. Même lorsqu’il deviendra obligatoire en 2027, CORSIA ne traitera, effets hors CO2 inclus, que 5 % de l’impact total du transport aérien sur le climat !

L’existence même de CORSIA pourrait également faire obstacle à des réglementations plus exigeantes en matière de transport aérien international et est donc « pire que rien ».

Système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne
Les vols à l’intérieur de l’Europe sont couverts par le système d’échange de quotas d’émission (SCEQE). L’idée est de réduire les émissions en échangeant des quotas d’émission (droits d’émission), que les compagnies aériennes doivent acquérir en fonction de la quantité de CO2 qu’elles ont émise au cours de l’année précédente. Le nombre total de quotas disponibles détermine un plafond maximum d’émissions de CO2. Cela permet d’orienter les réductions d’émissions vers les secteurs où elles peuvent être mises en œuvre au moindre coût.

Jusqu’à présent, le SCEQE n’a pas permis de réduire véritablement les émissions du transport aérien (les estimations varient entre 0 et 1,5 % par an). Depuis 2013, les émissions de l’aviation ont dépassé le plafond défini. Cette situation s’explique par le fait qu’il existe de nombreux moyens d’éviter de réelles réductions d’émissions.

  • Tout d’abord, le SCEQE pour l’aviation ne couvre que les vols dont le décollage et l’atterrissage ont lieu dans l’UE, ce qui fait que presque 60 % des vols en provenance ou à destination de l’UE ne sont pas pris en compte.
  • Ensuite, près de la moitié de ces quotas sont attribués aux compagnies aériennes à titre gratuit (T&E 2023, p. 23 et suivantes). Mais bonne nouvelle, les quotas gratuits prendront fin le 31 décembre 2025 : les compagnies aériennes devront payer pour toutes leurs émissions de CO2 intra-EEE couvertes par le SCEQE à partir de 2026. Ces deux exceptions ont considérablement réduit le coût moyen de la tonne de CO2 émise.
  • Enfin, les effets hors CO2 sont actuellement encore ignorés par le SCEQE, même s’ils vont faire l’objet d’un suivi à partir de 2025 et que la Commission européenne devrait soumettre d’ici fin 2027 un rapport, et, si nécessaire, proposer une législation pour les réduire.

L’UE a prévu d’attribuer 20 millions de quotas gratuits d’ici 2030 aux compagnies aériennes qui utilisent des CAD (carburants d’aviation soi-disant durables), qui posent pourtant de sérieux problèmes.

L’UE a également entériné l’initiative ReFuelEU Aviation, qui fait partie du paquet « Fit for 55 » visant à réduire les émissions de GES dans l’UE de 55 % d’ici 2030 (par rapport au niveau de 1990). ReFuelEU prévoit qu’à partir de 2025, tous les vols au départ d’un aéroport de l’UE devront utiliser une part croissante de « CAD » ; cette part est supposée atteindre 70 % en 2050. Comme nous l’avons expliqué ici, ce plan a très peu de chances d’être réalisé et pourrait avoir des effets pervers, et les réductions d’émissions seront sans doute plus faibles qu’annoncé.

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Pourquoi le prix des billets d'avion est-il si dérisoire ?

Aller à Palma de Majorque pour 11,50 € !? Prendre l’avion n’a jamais été si peu cher. Certains billets d’avion coûtent moins cher qu’un billet de train pour une ville proche. Comment cela est-il possible ? Eh bien, l’avion n’est pas bon marché par nature, il l’est parce qu’il est subventionné. Mais au bout du compte, il y a toujours quelqu’un qui paie.

Les privilèges fiscaux du transport aérien

Une première raison de ces prix bas, c’est la faiblesse de la réglementation (comme expliqué ici). Par ailleurs, le secteur aérien bénéficie de divers privilèges fiscaux qui le favorisent par rapport à d’autres modes de transport. Les coûts du transport aérien sont aujourd’hui inférieurs de 60 % à ce qu’ils étaient en 1970. Tout le monde – y compris ceux qui ne prennent pas l’avion – paie pour un ensemble de subventions, d’exonérations fiscales et d’investissements publics qui permettent au mode de transport le plus polluant de rester bon marché.

Contrairement à d’autres modes de transport, l’avion n’est taxé pratiquement nulle part. Alors que le carburant automobile ou le fioul domestique sont taxés, le kérosène ne l’est pas. Les taxes sur le kérosène, quand elles existent, sont très faibles par rapport à celles qui sont prélevées sur l’essence et le gazole (voir graphique).

Les données du graphique (relatives à 2021) couvrent 71 pays, qui représentent ensemble environ 80 % des émissions mondiales de GES et de la consommation d’énergie. Les données indiquées correspondent à la somme du coût des quotas dans les systèmes d’échange de quotas d’émission, des taxes carbone et des droits d’accise sur les carburants, moins les subventions aux combustibles fossiles qui diminuent leur prix avant impôt.

Contrairement aux produits essentiels tels que la nourriture et les médicaments, les billets d’avion sont presque toujours exonérés de taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Ainsi, partout dans le monde, la TVA n’est pas perçue sur les vols internationaux (une petite exception est l’Inde, mais seulement si le billet est acheté en Inde). Les vols intérieurs, eux, ne sont pas soumis à la TVA ou le sont à un taux réduit. Des taxes sur les billets existent dans de nombreux pays, y compris dans un certain nombre d’États membres de l’UE, mais elles sont encore trop faibles pour avoir un impact sur les émissions.

Ces exonérations ont entraîné une perte de recettes fiscales de 34 milliards d’euros pour les gouvernements de l’UE pour la seule année 2022.

En outre, les constructeurs aéronautiques bénéficient de subventions publiques, ce qui se traduit par des avions moins chers. Selon l’OMC (2018), Boeing et Airbus ont reçu des milliards d’euros de subventions déloyales de l’Union européenne et des États-Unis. De plus, presque aucun aéroport ne paie d’impôt foncier sur ses terrains et ses installations.

Exploitation des équipages
Alors que le secteur aérien réalise toujours plus de profits, la pression sur ses employés s’accentue. Les conditions de travail, la qualité et la sécurité se dégradent, le stress et les burnouts progressent.

Le personnel qualifié est de plus en plus souvent remplacé par des salarié-e-s à temps partiel inexpérimenté-e-s et moins cher-e-s. Et la réussite des compagnies à bas coût se fait au détriment des employés.

La plus grande compagnie aérienne européenne, Ryanair, a ainsi dû faire face à des protestations de la part des syndicats. La compagnie sélectionne les contrats les moins disant de l’UE et externalise la main-d’œuvre par l’intermédiaire d’agences et de systèmes d’auto-entreprise détournés. Ryanair a également recours à une stratégie agressive vis à vis des syndicats et d’hostilité aux droits des salarié-e-s de s’organiser, de s’exprimer et de se faire représenter sans subir de représailles. La lutte contre Ryanair a été partiellement couronnée de succès grâce à une large mobilisation.

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Quelles réformes doivent être faites ?

Il ne peut y avoir de croissance illimitée sur une planète aux ressources limitées. Au lieu de verdir la croissance du transport aérien, il est temps de faire décroître le trafic. Nous avons besoin de trains, pas d’avions. Voyageons en ayant confiance dans le futur et favorisons les alternatives. Et arrêtons de doper le secteur aérien avec l’argent de nos impôts.

Il existe de nombreuses façons de s’attaquer au transport aérien. Il faut privilégier des mesures équitables : il n’est par exemple pas juste de se contenter d’augmenter les prix des billets, ce qui ne laissera qu’aux riches le luxe de prendre l’avion. La conférence Stay Grounded de juillet 2019 à Barcelone s’est penchée sur la question de savoir comment réduire le trafic aérien d’une manière équitable. Les conclusions peuvent être trouvées dans le rapport Degrowth of Aviation (Décroissance du transport aérien). Voir aussi les différentes politiques sur lesquelles Stay Grounded travaille ou a travaillé.

Il n’existe pas de mesure unique permettant de résoudre tous les problèmes, c’est pourquoi un ensemble de mesures différentes est nécessaire, par exemple :

  • Taxes sur le transport aérien : TVA, taxe kérosène, taxe sur les billets : Les taxes sur la pollution, comme la taxe carbone, sont nécessaires et attendues depuis longtemps. Et comme nous subventionnons tous indirectement les vols bon marché et la bougeotte futile des riches, des taxes sur le kérosène et les billets d’avion seraient une mesure socialement juste. Toutefois, la fiscalité doit également s’attaquer directement aux usages de l’avion comme activité de luxe.
  • Taxe grands voyageurs aériens et taxe miles : les grands voyageurs pourraient être soumis à un prélèvement progressif, au lieu d’être subventionnés aux frais des contribuables comme c’est le cas actuellement. Une autre mesure consisterait à mettre fin aux nombreux programmes de fidélisation qui encouragent les vols inutiles.
  • Plafonnement ou interdiction des vols : il ne suffit pas d’augmenter le prix des billets pour réduire suffisamment le trafic et diminuer la pollution, il faut également fixer des limites générales, car les riches sont en mesure de payer pour échapper à leur responsabilité. Les limites sont un élément normal de la vie quotidienne que nous acceptons pour notre sécurité collective – limites de vitesse sur les routes, seuil d’alcoolémie pour les conducteurs, etc. Dans le même ordre d’idées, le moyen le plus efficace de réduire le trafic aérien est de plafonner le nombre de vols. Par exemple, en mettant fin aux liaisons court-courriers, sur lesquelles des moyens de transport alternatifs pourraient facilement prendre la relève ou être mis en place, ou en limitant le nombre de départs par jour sur des liaisons spécifiques. D’autres vols devraient être interdits de manière générale, comme les vols de nuit nuisibles à la santé et les vols en jet privé. Rien ne justifie de permettre à quelques riches de polluer l’atmosphère que nous partageons tous, au détriment de notre avenir collectif.
  • Halte aux nouvelles infrastructures aéroportuaires
  • Promouvoir des alternatives à l’avion : comme rappelé plus haut, le train n’émet qu’une petite fraction du CO2 par passager-kilomètre d’un vol. De même, le bus est beaucoup plus efficace sur le plan énergétique que l’avion. Un financement insuffisant et un transport aérien artificiellement bon marché ont conduit à négliger les transports publics. Dans les zones rurales les plus pauvres, en particulier dans le Sud géopolitique, même les systèmes de transport de base font défaut. Il faut rendre les modes de transport alternatifs plus attractifs par des systèmes de réservation plus fluides, des prix équitables, une meilleure utilisation et le développement des infrastructures. Deux de nos membres, Oui au train de nuit en France et Back on Track en Europe, militent pour promouvoir les trains de nuit. Les réunions en ligne constituent une autre alternative à l’avion, notamment pour remplacer les voyages d’affaires. Les réunions virtuelles peuvent être plus inclusives que les réunions physiques, permettant aux personnes ayant des contraintes de temps, des responsabilités familiales, des moyens financiers limités ou se trouvant dans des endroits éloignés de participer également à l’événement.
  • Interdire le lobbying du secteur aérien : les intérêts du secteur aérien font l’objet d’un lobbying intensif, notamment au niveau européen. Une étude a révélé que les plus grandes compagnies aériennes européennes et l’Association internationale du transport aérien (IATA) ont fait pression sur les décideurs pour qu’ils affaiblissent l’ambition environnementale des plans climatiques de l’UE pour le transport aérien.
  • Faire évoluer les politiques de déplacement des entreprises et organisations : les voyages d’affaires représentent une part substantielle des vols et des émissions, mais ils peuvent facilement être remplacés par des réunions virtuelles ou être effectués en train. Il existe de nombreuses manières de réduire l’empreinte carbone des sociétés et d’initier des changements dans les politiques de voyage.
  • Changement de comportement : changer ses habitudes de voyage est important dans la lutte contre la crise climatique. Et en partageant vos récits de voyage « à terre », vous pouvez inciter votre famille et vos amis à faire de même. Si nous sommes nombreux à faire pression sur les politiques, nous pourrons changer le système afin de rendre les voyages terrestres accessibles à tous.
  • Soutenir une « transition juste » : avec la menace de l’effondrement du climat, les pandémies que cela peut engendrer et l’essor de l’automatisation et du numérique, le secteur aérien et le tourisme devront évoluer – de gré ou de force, mais il vaut mieux pour leurs salarié-e-s que cela se fasse en douceur. Plus d’informations ici.
  • Rétablir la vérité sur l’impact climatique du transport aérien : celui-ci ne se limite pas au CO2. Il faut amener les institutions politiques à reconnaître et prendre en compte la totalité de l’impact du transport aérien sur le climat.
  • Limiter la publicité pour le transport aérien : la publicité joue un rôle important dans l’augmentation de la demande de transport aérien. Tout comme la publicité pour le tabac a été bannie lorsque nous avons pris conscience des dommages causés par le tabagisme, de nombreuses municipalités commencent à interdire la publicité pour des produits ou services à forte empreinte carbone. Et il y a de nombreuses façons créatives de contrer la publicité des compagnies aériennes et de faire évoluer l’opinion publique.
  • Interdire le financement et les subventions publiques au transport aérien
  • Sortir du capital des entreprises du secteur aérien

 

 

 

Quel impact du transport aérien sur la santé ?

L’avion, souvent présenté comme un mode de transport pratique et sans souci, est en fait préjudiciable à la santé humaine. Les personnes qui prennent souvent l’avion, comme le personnel de bord, les pilotes et les grands voyageurs, sont particulièrement exposés, mais ceux qui ne le prennent pas en subissent également les conséquences. Le bruit des avions, les émissions et les problèmes de santé qui en découlent touchent de manière disproportionnée les communautés à faible revenu et les salariés-e-s des aéroports.

Le bruit des avions peut entraîner de nombreux problèmes de santé. Les plus touchés sont les riverain·es d’aéroports dont le sommeil est perturbé par les décollages et atterrissages nocturnes. Des couvre-feux sont en vigueur dans certains aéroports, mais ils doivent être généralisés.

En brûlant, les carburants d’aviation libèrent des polluants qui sont à l’origine de milliers de décès prématurés. Les particules ultrafines, qui pénètrent en profondeur dans les poumons et même dans le sang, sont particulièrement préjudiciables à la santé. Il est indispensable d’assurer une bonne surveillance de la qualité de l’air autour des aéroports et de mettre en œuvre des réglementations strictes.

La réduction du nombre de vols et l’arrêt des extensions d’aéroports sont les meilleures solutions pour lutter à la fois contre les problèmes de santé et le dérèglement climatique. Les riverain·es d’aéroports, les organisations de santé, le mouvement pour le climat et les employé·e·s du secteur doivent s’allier pour parvenir à une réduction équitable du trafic et à un avenir plus sain pour tous.

Pour en savoir plus, consulter notre rapport « Le transport aérien, un problème pour la santé ».

 

 

 

Quel est l’impact de l’aviation militaire ?
L’aviation militaire est à l’origine de quantités importantes d’émissions lors de la fabrication des avions et des opérations. En raison de la rareté des études publiques indépendantes sur la consommation de carburant militaire, il est difficile de connaître les chiffres exacts. Mais on estime que l’aviation militaire représente de 8 à 15 % du total, et les budgets militaires sont en hausse.

Les émissions militaires ont échappé à l’examen critique de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) pendant des décennies et continuent d’être exemptées des obligations internationales en matière de climat dans la pratique. Bien que l’aviation militaire devrait normalement relever des contributions déterminées au niveau national (CDN), la réticence des pays à déclarer la consommation de carburant de ce secteur fait que les émissions de l’aviation militaire sont escamotées dans la pratique.

L’impact de l’aviation militaire va cependant bien au-delà de son impact climatique, avec les effets dévastateurs des guerres sur les populations. La comptabilisation de ses émissions constituerait une étape importante. Cependant, on est encore loin de souhaiter réduire ou abandonner l’aviation militaire, les armes et la guerre pour lutter contre la crise climatique et construire un monde pacifique.

En savoir plus :
Article de Stay Grounded: A Tradition of Camouflage.
Étude de World Beyond War: Demilitarization for Deep Decarbonization.