Révision du système d’échange de quotas d’émissions : l’UE doit cesser d’ignorer les deux tiers de l’impact climatique du transport aérien
- Le parlement européen demande que les émissions autres que le CO2 des avions soient suivies par l’UE
- Les émissions autres que le CO2 ont un effet sur le réchauffement climatique deux fois plus important que celles du CO2. Elles doivent être prises en compte par l’UE
- Réduire le trafic aérien permet de réduire aussi bien les émissions de CO2 que les autres et d’atteindre les objectifs climatiques
- Modifier la trajectoire de certains vols et réduire la teneur en aromatiques du kérosène peut contribuer à éviter la formation de trainées de condensation et de cirrus induits.
Vienne, 23 juin 2022 — La prochaine réunion du Conseil « Environnement » de l’Union Européenne aura lieu le 28 juin 2022. A son ordre du jour, la révision de la directive européenne sur le systèmes d’échange de quotas d’émission (SEQE) pour l’aviation. Le réseau Stay Grounded exhorte le Conseil dans une lettre ouverte publiée aujourd’hui, à prendre enfin en compte les effets autres que le CO2 du transport aérien et à prendre des mesures rapides et efficaces pour réduire l’impact climatique de l’aviation dans sa totalité.
Une récente étude menée par 21 scientifiques éminents dans le domaine des sciences du climat, approuvée par l’Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) et la commission européenne dans un rapport connexe, a estimé que les émissions autres que le CO2 ont un effet sur le réchauffement climatique deux fois plus important que le CO2 et proposé des moyens simples pour les réduire.
Les organisations de la société civile le réclamaient depuis longtemps : le Parlement européen a enfin demandé que les effets autres que le CO2 soient inclus dans la directive SEQE par le biais d’un système de surveillance et de vérification. C’est un pas dans la bonne direction. Mais rien n’est encore gravé dans le marbre et le suivi des émissions seul ne suffit pas. Des trilogues devraient commencer une fois que les gouvernements nationaux se seront mis d’accord, accord qui devrait intervenir lors de la réunion des ministres de l’environnement du 28 juin 2022 à Luxembourg.
Pendant longtemps, le secteur aérien et les gouvernements ont délibérément ignoré le fait que l’impact de l’aviation sur le climat ne se limite pas au CO2 : la combustion du kérosène en altitude génère également des traînées de condensation, des cirrus induits et des dérivés de NOx qui, bien que de courte durée de vie, contribuent considérablement au réchauffement de la planète. Au total, le réchauffement climatique total causé par l’aviation est trois fois supérieur à celui du seul CO2.
Des propositions visant à comptabiliser et à réduire les effets des émissions autres que le CO2 sont sur la table depuis déjà plus de deux décennies. Mais de nouvelles idées pour les réduire ont émergé récemment, qui seraient assez simples à mettre en œuvre et auraient un effet immédiat sur le climat. En premier lieu, une grande partie des cirrus induits par les avions pourrait être évitée en modifiant les trajectoires de seulement certains vols, ceux qui traversent les masses d’air les plus froides et les plus humides. Cette idée a été testée par Eurocontrol en 2021 et d’autres essais sont prévus en Allemagne.
Un autre moyen de réduire la formation de traînées de condensation et de cirrus consiste à utiliser des carburants à faible teneur en aromatiques. La combustion des composés aromatiques produit en effet des suies qui jouent un rôle clef dans la formation des traînées de condensation. La réduction des aromatiques dans le kérosène fossile est une mesure qui pourrait être mise en œuvre immédiatement. Le Jet A1 (kérosène) en contient en moyenne 18 %, qui peuvent être réduits à 8 % par un traitement à l’hydrogène. Ce traitement permet non seulement de réduire la teneur en aromatiques du kérosène, mais aussi d’éliminer le soufre à l’origine de la pollution de l’air autour des aéroports par des particules ultrafines de sulfates. Enfin, il faut encourager la réduction des émissions de NOx par l’optimisation des moteurs d’avion.
« Comptabiliser et réduire les seules émissions de CO2 ne suffit pas : l’impact total de l’aviation sur le climat est trois fois supérieur à celui de ses seules émissions de carbone. Il faut se représenter le réchauffement climatique dû au transport aérien comme un iceberg : le CO2 n’en est que la partie émergée, l’essentiel, les effets autres que le CO2, est sous la surface. Et pourtant, les décideurs politiques ne s’en sont pas encore saisis. » – Stephanie Loveless, Stay Grounded
Il est essentiel que l’Union européenne prenne des mesures immédiates pour réduire l’offre et la demande de vols afin de limiter l’impact climatique du transport aérien non seulement par les émissions de CO2 mais aussi par les émissions autres que le CO2. Cela passe par des taxes sur les carburants et les billets, l’amélioration des services ferroviaires transfrontaliers, l’annulation des agrandissements d’aéroports et la limitation de leur capacité selon des critères environnementaux. Pour s’attaquer spécifiquement aux effets autres que le CO2, la Commission et les États membres doivent financer et accélérer les travaux visant à éviter les traînées de condensation en modifiant les trajectoires de vol, encourager la réduction de la teneur en aromatiques du kérosène ainsi que la réduction des émissions de NOx des moteurs d’avion.
Lettre ouverte : https://bit.ly/non_CO2_Aviation
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