Ce qu'il faut savoir sur l'avion

Parlons de l’avion !

Quel est l’impact climatique du transport aérien ?

L’avion est le moyen de transport le plus destructeur pour le climat. Faits et chiffres.

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À quel point l'avion est-il mauvais pour votre empreinte carbone ?

Découvrez combien l’avion contribue à votre impact climatique par rapport à d’autres activités.

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À quel point l'avion est-il injuste ?

Seule une minorité de la population mondiale prend l’avion. Et les passagers réguliers contribuent de façon disproportionnée au réchauffement.

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Pourquoi la compensation carbone n’est-elle pas la solution ?

Les compagnies aériennes permettent à leurs passagers de compenser leurs émissions en payant un peu plus. Où est le problème ?

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L'avion « vert » est-il possible ?

L’avion peut-il être neutre en carbone à l’avenir ? Découvrez les défis technologiques qui se présentent.

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Pourquoi le transport aérien est-il si peu réglementé ?

Découvrez comment le secteur aérien a été autorisé à établir ses propres règles et à continuer à polluer.

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Pourquoi le prix des billets d'avion est-il si dérisoire ?

Le secteur du transport aérien ne paie pratiquement pas de taxes, faisant supporter les coûts à d’autres.

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Quel est l'mpact de l'aviation militaire ?

Les chiffres fiables sur les émissions de l’aviation militaire restent rares et fragmentés.

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Quelles réformes doivent être faites ?

Au lieu de verdir la croissance du transport aérien, il est temps de faire décroître le trafic.

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Quelle est la conséquence de la multiplication des aéroports ?

Dans le monde, 1200 projets aéroportuaires menacent la biodiversité et la subsistance des collectivités.

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Quel est l’impact climatique du transport aérien ?

Prévenir la crise climatique est le plus grand défi que l'humanité ait jamais eu à affronter.

Si nous voulons un avenir décent pour tous les habitants de la planète, nous devons limiter le réchauffement climatique autant que possible et éviter de franchir des points de bascule. Cela implique des efforts importants et urgents. Nous devons cesser de brûler des combustibles fossiles et changer les règles du système. Mais actuellement, nous allons tout droit vers un désastre climatique.
L’avion est le moyen de transport le plus destructeur pour le climat. En 2018, le transport aérien a contribué à l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine à hauteur d’environ 6 %. En Europe, où vivent bon nombre de passagers aériens réguliers, cette proportion est encore plus grande. Malgré tout, le secteur du transport aérien veut nous faire croire que l’avion contribue pour à peine 2% des émissions globales. Mais l’impact de l’avion ne se limite pas au CO2. En comptant les émissions à haute altitude autres que le CO2, l’impact global de l’avion est en moyenne trois fois plus fort que celui du CO2 seul.
Avant la pandémie de Covid-19, le secteur s’attendait à un doublement de la demande de transport aérien dans les 20 prochaines années. Du fait de cette croissance fulgurante, le transport aérien pourrait à lui seul consommer un quart 15% du budget carbone mondialCe budget est la quantité maximale de CO2 que nous pouvons encore émettre pour ne pas dépasser une augmentation de température de 1,5 °C par rapport aux niveaux pré-industriels. Si nous prenons la crise climatique au sérieux, il n’y a pas d’autre moyen que de mettre un terme aux plans de croissance du transport aérien et de commencer à le faire décroître.

À quel point l'avion est-il mauvais pour votre empreinte carbone ?

Indice : il est vraiment très mauvais.

Pour chaque tonne de dioxide de carbone émise, trois mètres carrés de glace d’été disparaissent dans l’Arctique. Cela signifie qu’en prenant un vol transatlantique, un passager est responsable de la perte d’au moins six mètres carrés de glace. Mais il n’y a pas que la banquise qui fonde, les glaciers aussi. Avec le niveau des mers devrait s’élever d’un mètre d’ici à la fin du siècle, chaque mètre carré de glace compte … et pas seulement pour lespingouins, dont l’habitat et les populations déclinent rapidement.

Un vol long-courrier génère plus d’émissions de carbone que ce que beaucoup de gens dans le monde produisent en une année entière – et plus que ce qu’un Européen moyen émet pour son chauffage et son alimentation. A la différence près que le chauffage et l’alimentation sont sans doute plus importants que de partir en vacances en avion. Pour faire face à la crise climatique, il est urgent de remettre en question notre mode de vie dans tous les domaines, qu’il s’agisse de notre alimentation ou de nos moyens de transport. La bonne nouvelle, c’est qu’il existe des alternatives à l’avion qui sont respectueuses du climat. Un trajet en train peut émettre jusqu’à 70 fois moins qu’un vol.
Changer ses habitudes de transport est une étape importante dans la lutte contre la crise climatique. En racontant les belles histoires que vous avez vécues en voyageant sans avion, vous pouvez donner envie à votre famille et à vos amis de faire comme vous. Et si nous mettons la pression sur les politiques, nous pouvons changer les lois pour rendre les moyens de transport alternatifs plus faciles pour tous, avec des trains et des paquebots abordables et confortables, des systèmes de réservation faciles, et des options attrayantes de « Staycation » (vacances près de chez soi).

À quel point l'avion est-il injuste ?

« Le mode de vie jet-set de Bill Gates et Paris Hilton fait qu’ils génèrent 10.000 fois plus d’émissions de carbone qu’une personne moyenne », selon une étude scientifique récente. Qui prend l’avion, qui ne le prend pas – et qui ne peut pas ?
Pour limiter la hausse de la température mondiale moyenne à 1,5 degrés, tout le monde devrait réduire ses émissions de gaz à effet de serre pour passer à 2,5 tonnes d’équivalents CO2 en 2030, à 1,4 tonnes d’ici 2040 et à 0,7 tonnes d’ici 2050. Un seul vol long-courrier suffit déjà à dépasser ce budget.

Le trafic aérien fait barrage à la justice climatique. Bien que pour les habitants d’Europe de l’Ouest, il puisse sembler normal de prendre l’avion, cette « normalité » n’existe que depuis quelques décennies et est encore rare à l’échelle mondiale. Il est difficile de trouver des chiffres exacts mais les estimations sont qu’environ 90 %, ou entre 80 et 95 % de la population mondiale n’a jamais mis les pieds dans un avion. Beaucoup de gens n’ont pas les moyens de prendre l’avion ou ne sont pas autorisés à le faire en raison de politiques migratoires restrictives.

Parmi les quelques pour-cent de la population mondiale qui ont déjà pris l’avion, une proportion encore plus faible le fait régulièrement. Les chiffres montrent qu’en Angleterre, plus de la moitié des vols vers l’étranger sont empruntés par seulement 10% de la population. Des statistiques similaires existent pour d’autres pays.
Un faible nombre de passagers réguliers contribue donc au réchauffement climatique au détriment des autres : les riverains exposés au bruit et à la pollution par les particules des avions, les écosystèmes locaux, les générations futures et les habitants de l’hémisphère Sud qui sont déjà les plus touchés par le réchauffement planétaire.

Il faut aussi s’intéresser aux différentes raisons de prendre l’avion. Ainsi, un homme d’affaires volant chaque mois vers sa villa toscane devrait-il être traité de la même façon que quelqu’un qui prend l’avion tous les deux ans pour rendre visite à sa famille proche sur un autre continent ? Il existe des solutions à cette injustice – découvrez la taxe sur les passagers réguliers et d’autres mesures.

Pourquoi la compensation carbone n’est-elle pas la solution ?

« Prendre l’avion n’est pas un problème si vous payez un peu plus pour compenser vos émissions » – voilà le message des compagnies aériennes à leurs clients. Ainsi, de nombreuses organisations et entreprises qui tentent d’adopter des politiques de voyage plus durables ont recours à la compensation carbone. Mais ce n’est pas tout : le seul accord international en vigueur portant sur les émissions de CO2 de l’aviation, CORSIA, s’appuye lui aussi sur le mécanisme de compensation. Qu’y a-t-il derrière ces compensations ?

Qu’est-ce que la compensation carbone ?

Les projets de compensation carbone sont principalement situés dans les pays de l’hémisphère Sud. Beaucoup d’entre eux sont des projets hydroélectriques visant à réduire la dépendance aux combustibles fossiles pour la production d’énergie. Les projets de conservation des forêts, les exploitants de plantations d’arbres ou les organisations qui distribuent des cuisinières respectueuses du climat aux femmes des régions rurales peuvent également vendre des crédits carbone.

Quels problèmes la compensation carbone pose-t-elle ?

1. La compensation ne réduit pas vraiment les émissions
Des études montrent que la majorité des projets n’évaluent pas correctement leurs réductions d’émissions. L’Öko-Institut a analysé l’efficacité de projets de compensation des Nations-Unies et a conclu que seuls 2% des projets ont de fortes chances d’aboutir à des réductions d’émissions supplémentaires. Ainsi, des réductions d’émissions auraient été obtenues sans devoir payer pour la compensation, par exemple lorsqu’une centrale hydroélectrique aurait été construite de toute façon. Pour ce qui est de planter des arbres, il leur faudra des années de croissance avant de pouvoir réabsorber le carbone de votre vol. Et il est difficile de garantir qu’ils existeront assez longtemps pour compenser votre vol.

2. Les projets de compensation génèrent souvent des problèmes d’environnement et de droits de l’homme
Comme il revient moins cher de compenser le carbone dans les pays de l’hémisphère sud, c’est là que se trouvent la plupart des projets. Ils conduisent souvent à des conflits locaux ou à l’appropriation de terres. C’est en particulier le cas pour les projets fonciers ou forestiers comme REDD+ (Réduction des Emissions dues à la Déforestation et à la Dégradation des forêts). Souvent, on empêche les petits exploitants et les populations indigènes d’utiliser la forêt de façon ancestrale afin de stocker la quantité prévue de carbone dans les arbres. En fin de compte, la compensation s’avère être une forme de colonialisme du carbone pour de nombreux groupes autochtones.

 

3. Les compensations sont une vente d’indulgences des temps modernes
La compensation permet à une petite partie de la population mondiale de prendre l’avion sans modération en se donnant bonne conscience. Certains comparent donc le commerce de crédits carbone avec la vente d’indulgences par l’Église catholique. L’argent pouvait acheter le pardon du péché – mais il n’empêchait évidemment pas le péché d’être commis. L’argent servait ensuite à construire des cathédrales et à subvenir aux besoins du Vatican. L’actuel pape François est plus clairvoyant au sujet de la compensation carbone. Il dit : « Les avions polluent l’atmosphère mais avec une petite partie du prix du billet, ils planteront des arbres pour compenser une partie des dégâts causés. … C’est de l’hypocrisie ! »

4. La compensation détourne l’attention des vraies solutions
Certains font valoir que si nous autorisons la compensation en tant que « dernier recours », et que nous essayons de compenser les émissions localement, c’est mieux que de ne rien faire. Mais il n’en demeure pas moins que la compensation devient alors une licence pour polluer et pour préserver le statu quo. Ainsi, la compensation carbone retarde les changements indispensables dans notre système de mobilité.

Si vous voulez vraiment dépenser de l’argent, mieux vaut nous soutenir que d’acheter des crédits de compensation carbone =)

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L'avion « vert » est-il possible ?

Confronté à la montée des critiques et à la nécessité de défendre ses plans de croissance nuisibles au climat pour l’après COVID-19, le secteur aérien renforce son offensive en direction de l’opinion publique. Dans des campagnes de greenwashing, il annonce son intention d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Pour cela, il s’appuie principalement sur l’efficacité énergétique, les carburants alternatifs et la compensation carbone. Le problème est que la croissance du transport aérien n’est pas remise en question et que les solutions proposées sont loin de résoudre le problème de l’impact climatique de l’aviation.

En février 2020, le plus gros émetteur de carbone en Europe, Ryanair, a été sanctionné par un tribunal pour ses allégations trompeuses selon lesquelles elle serait une compagnie verte. C’est une décision claire – mais la plupart du temps, sans bien connaître le sujet, il est difficile de décrypter les mensonges du secteur.
Notre série de fiches sur le greenwashing déconstruit les mythes et les idées fausses les plus répandues.

 

Efficacité énergétique : des progrès insuffisants

L’utilisation de nouvelles technologies pour les nouveaux modèles d’avions devrait permettre des gains d’efficacité de 1,3 % par an. Toutefois, ces gains d’efficacité permettent de baisser les prix et encouragent donc encore plus les gens à prendre l’avion. Sachant que le secteur aérien prévoit un taux de croissance annuel de 4% et que ces dernières années le taux de croissance annuelle avoisinait les 7%, les économies apportées par les gains d’efficacité énergétique ne jouent qu’à la marge.

Pour en savoir plus, consulter la fiche N° 1 sur l’amélioration de l’efficacité.

Les agro ou biocarburants : une alternative problématique

Le secteur prévoit de remplacer une partie du kérosène fossile par des biocarburants. Cela fait plus de dix ans qu’il promet d’augmenter la production de biocarburants sans que cela se concrétise. Aujourd’hui, les biocarburants représentent moins de 0,01 % de tout le carburant utilisé dans le transport aérien. C’est très peu – mais c’est plutôt une bonne nouvelle. Bien que le secteur dise qu’il n’utilisera que des biocarburants de 2ème génération fabriqués à partir de déchets, le recours à des agrocarburants de 1ère génération issus de cultures n’est pas exclu. Or il a été démontré qu’ils ont des incidences environnementales et sociales graves, telles que la perte de biodiversité, la hausse des prix des denrées alimentaires et des pénuries d’eau. L’huile de palme est considérée comme l’option la plus viable, bien qu’une étude de la Commission européenne ait conclu que les biocarburants à base d’huile de palme émettent au moins trois fois plus de gaz à effet de serre que les combustibles fossiles qu’ils remplacent.

D’autre part, les ressources nécessaires à la production d’agrocarburants de deuxième génération sont très insuffisantes. Enfin, les biocarburants ne réduiraient que partiellement les émissions autres que de CO2, qui représentent une grande partie de l’impact climatique de l’aviation.

Pour en savoir plus, consulter la fiche N° 4 sur les agro et biocarburants

 

L’avion électrique : capacité et rayon d’action trop faibles

Les avions électriques susceptibles d’être certifiés d’ici 2030 ne pourront transporter que très peu de passagers et leur rayon d’action sera faible. Et dans la plupart des cas, on peut leur substituer des transports terrestres moins gourmands en énergie.
Pour en savoir plus, consulter la fiche N° 2 sur l’avion électrique

 

Hydrogène : trop tard et pas zéro émissions

L’hydrogène n’est pas envisageable pour les moyen- et long-courriers avant 2050. D’ici là, seuls les vols régionaux ou court-courriers sont susceptibles d’être convertis à l’hydrogène, mais une grande partie d’entre eux peuvent être transférés au rail ou à la route. Avant que l’avion à hydrogène ne devienne réalité, de nombreux problèmes, notamment en matière de sécurité, doivent être résolus.

Pour en savoir plus, consulter la fiche N° 3 sur l’avion à hydrogène

 

E-carburants : un espoir mal placé

Les carburants synthétiques fabriqués à partir d’électricité (e-carburants) sont techniquement faisables, mais il n’existe encore pratiquement aucune unité de production. Il faudrait consentir de lourds investissements sur plusieurs décennies pour mettre en place des capacités de production suffisantes. Et convertir de l’électricité en carburant liquide est très gourmand en énergie, alors que nous sommes encore loin de produire suffisamment d’énergie renouvelable pour les transports terrestres, la production agricole ou le chauffage. Si tout le kérosène utilisé en 2019 avait été remplacé par des e-carburants, il aurait fallu deux fois et demi plus d’électricité renouvelable qu’on n’en produisait alors au niveau mondial. C’est d’autant plus choquant qu’une bonne part de l’impact climatique des émissions de l’aviation hors CO2 subsisterait – alors qu’on l’évalue aujourd’hui à environ deux fois celui des émissions de CO2.
Pour en savoir plus, consulter la fiche N° 5 sur les e-carburants.

Reroutage des vols : pour atténuer les effets des traînées
Une approche assez prometteuse consisterait à modifier les itinéraires de certains vols long-courriers, dans le but d’atténuer l’effet de réchauffement des traînées de condensation. Ces nuages artificiels se forment derrière l’avion dans certaines conditions atmosphériques qui dépendent de l’endroit et de l’heure. Cela concerne principalement les vols de nuit transatlantiques. Les traînées de condensation ont un effet climatique similaire à celui du CO2 – les réduire va donc dans le bon sens. Toutefois, les changement d’itinéraires peuvent entraîner une consommation accrue de carburant. Cela doit donc aller de pair avec une réduction du trafic.

 

Compenser les émissions : déplacer le problème au lieu de s’y attaquer

Comme il n’existe pas de solutions technologiques pour le futur proche, l’option la plus souvent mise en avant par le secteur aérien est la compensation carbone : les émissions sont compensées par l’achat de crédits carbone. Découvrez ici pourquoi ce choix ne résoudra pas le problème et pourrait même générer des problèmes encore plus graves.

 

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Pourquoi le transport aérien est-il si peu réglementé ?

Par rapport à d’autres secteurs, les émissions du transport aérien sont particulièrement peu réglementées. Le secteur semble jouir d’un statut spécial qui ne se limite pas à d’énormes privilèges fiscaux.

Le transport aérien international, qui représente pourtant environ 65% des émissions de l’aviation civile, n’est pas régi par l’Accord de Paris ni par son prédécesseur, le Protocole de Kyoto ; le transport aérien national n’est pas explicitement mentionné non plus. Si bien que c’est à l’OACI (Organisation de l’Aviation Civile Internationale), une agence des Nations Unies, qu’il revient de réguler le transport aérien mondial.

En 2016, 18 ans après avoir reçu le mandat de le faire, l’OACI a enfin présenté son plan climat pour l’aviation, appelé CORSIA (Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation ; en français : Régime de compensation et de réduction de carbone pour l’aviation internationale). Le régime CORSIA prévoit de plafonner les émissions de l’aviation à partir de 2021 pour permettre une « croissance neutre en carbone ». Cela devrait se faire pour l’essentiel par le biais de la compensation carbone, reposant sur des projets soi-disant respectueux du climat. Continuez la lecture pour en savoir plus sur les problèmes liés à la compensation.

CORSIA comporte plusieurs problèmes : premièrement, seule une petite partie des émissions est couverte. Les premières années, le système fonctionnera sur la base du volontariat et seuls 81 États ont prévu de participer. Deuxièmement, il ne couvre que l’augmentation des émissions à partir de 2021 (jusqu’en 2035), c’est-à-dire celles qui dépasseront le niveau atteint en 2020. Mais les émissions des avions sont déjà bien trop élevées et il faudrait les réduire. Troisièmement, les effets du transport aérien non liés au CO2 ne sont pas pris en compte, ce qui signifie qu’au moins la moitié de l’impact climatique est ignorée. Quatrièmement, CORSIA ne couvre pas les émissions des vols intérieurs. Cinquièmement, CORSIA pourrait entraver juridiquement le renforcement de réglementations nationales en matière de transport aérien. D’autres failles et vides juridiques, ainsi que l’absence de garanties, poussent de nombreuses organisations de la société civile à exiger d’ arrêter CORSIA.

En Europe, les vols sont théoriquement couverts par le Système d’Échange de Quotas d’Émissions de l’UE. Toutefois, dans ce système, le coût de la tonne de CO2 est beaucoup trop faible pour faire vraiment la différence. En outre, les compagnies aériennes se voient attribuer gratuitement une grande partie des droits d’émission. Et les vols internationaux au départ et à destination de l’UE sont totalement exclus.

L’absence de réglementation du secteur aérien s’explique souvent par l’importance historique de l’industrie aéronautique pour la sécurité nationale. Les ventes d’équipements militaires représentent 20 % du chiffre d’affaires de l’avionneur Airbus ; ce chiffre grimpe à 50 % pour Boeing. Les deux sociétés dominent le marché aéronautique mondial et leurs appareils sont responsables de pas moins de 92 % des émissions du trafic aérien.

De nombreux pays justifient leur refus de réglementer leur secteur aérien en soulignant que les objectifs de réduction de l’accord des Nations-Unies sur le climat ne concernent que les émissions ayant lieu à l’intérieur des frontières d’un pays et qu’ils ne concernent donc pas le transport aérien. Cet argument est incohérent : après tout, une partie de la production d’un pays est exportée et les émissions qui y sont liées sont malgré tout attribuées au pays d’origine. De la même manière, le kérosène avitaillé dans un pays donné pourrait facilement être comptabilisé. Les carences de la réglementation expliquent également pourquoi les vols sont si bon marché par rapport à d’autres modes de transport.

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Pourquoi le prix des billets d'avion est-il si dérisoire ?

Aller à Palma de Majorque pour 11,50 € !? Prendre l’avion n’a jamais été si peu cher. Certains billets d’avion coûtent moins cher que le billet de train pour une ville proche. Comment cela est-il possible ? Eh bien, l’avion n’est pas bon marché par nature, mais il a été rendu bon marché. Mais au bout du compte, il y a toujours quelqu’un qui paie.

Les privilèges fiscaux du transport aérien

Une des principales raisons de la faiblesse des prix des billets est que l’argent des impôts sert à subventionner l’avion. Tout le monde – y compris ceux qui ne prennent pas l’avion – paie pour un enchevêtrement confus de subventions, d’exonérations fiscales et d’investissements publics afin que le mode de transport le plus polluant au monde reste abordable.

Alors que le carburant automobile et le fioul domestique sont taxés, le kérosène ne l’est pas. Dans la plupart des pays, les billets d’avion sont également exonérés de TVA – alors que nous la payons pour des produits de première nécessité comme l’alimentation et les médicaments. De plus, presque aucun aéroport ne paie d’impôt foncier sur ses terrains et ses installations. Des dizaines de milliards d’euros de taxes sont ainsi perdus dans l’Union européenne, alors qu’ils pourraient être utilisés pour promouvoir d’autres modes de transport. Enfin, les avionneurs bénéficient de subventions de l’État, ce qui rend les avions moins chers à fabriquer. En fait, les États-Unis ainsi que certains pays de l’UE ont donné à leurs avionneurs respectifs – Boeing d’un côté et Airbus de l’autre – des milliards en subventions gouvernementales illégales et en prêts à faible taux.
Exploitation des équipages

Alors que le secteur aérien réalise des profits de plus en plus importants, la pression sur ses employés s’accroît. La qualité et la sécurité diminuent, le stress et l’épuisement professionnel (le « burnout ») sont en hausse. Le personnel qualifié est progressivement remplacé par des travailleurs à temps partiel inexpérimentés et moins chers. Le modèle économique évolue de plus en plus aux dépens des employés, en particulier dans les compagnies à bas prix.

La plus grande compagnie aérienne européenne à ce jour, Ryanair a donc dû faire face à la colère des syndicats. L’entreprise choisit préférentiellement les contrats de travail les moins protecteurs de l’UE et sous-traite la main-d’œuvre par le biais d’agences et de faux régimes de travail indépendant. Ryanair applique également une stratégie de division des syndicats et et se montre hostile aux droits de ses employés à s’organiser, à s’exprimer et à se faire représenter sans risque de représailles. Au terme d’une longue bataille, la lutte contre Ryanair a été en partie couronnée de succès.

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Quelles réformes doivent être faites ?

Il n’y a pas de croissance illimitée sur une planète aux ressources limitées. Au lieu de verdir la croissance du transport aérien, il est temps de faire décroître le trafic. Nous avons besoin de trains, pas d’avions. Voyageons en ayant confiance au futur et favorisons les alternatives. Et arrêtons de doper le secteur aérien avec l’argent de nos impôts.

Il existe de nombreuses façons de s’attaquer au transport aérien. Il faut privilégier des mesures équitables : il n’est par exemple pas juste de se contenter d’augmenter les prix des billets, ce qui ne laissera qu’aux riches le luxe de prendre l’avion. La conférence Stay Grounded de juillet 2019 à Barcelone s’est penchée sur comment réduire le trafic aérien d’une manière équitable. Les conclusions peuvent être trouvées dans le rapportDegrowth of Aviation (Décroissance du transport aérien).

Quelle est la conséquence de la multiplication des aéroports ?

Il ne s’agit pas seulement du climat. Lorsque l’aviation se développe, cela a beaucoup d’autres conséquences au niveau du sol.

Des centaines de nouveaux aéroports et d’expansions aéroportuaires sont prévus pour alimenter la croissance fulgurante du transport aérien. 550 nouveaux aéroports ou pistes sont prévus ou en cours de construction dans le monde entier, ainsi que des agrandissements de pistes, de nouveaux terminaux, etc., soit au total plus de 1200 projets d’infrastructure.

La plupart d’entre eux engendrent la mainmise sur de nouvelles terres, la destruction d’écosystèmes, le déplacement de populations, l’augmentation de la pollution locale et des risques sanitaires. Le bruit, et les particules fines et ultra fines sont un problème majeur pour les gens habitant à proximité des aéroports. De plus en plus d’aéroports, en particulier dans l’hémisphère Sud, deviennentdes « aérotropoles », ou villes aéroportuaires, entourées de zones commerciales et industrielles, d’hôtels, de villes dédiées au commerce, de centres logistiques, de routes ou de zones économiques spéciales. Ces projets sont souvent à l’origine de violations des Droits de l’Homme.

Les aéroports représentent une infrastructure majeure pour l’économie capitaliste mondialisée, nécessaire à la production en flux tendu et au commerce des marchandises, aux voyages d’affaires, au tourisme, ainsi qu’à l’expulsion devoyageurs indésirables,les migrants sans papiers. Une résistance efficace contre les projets aéroportuaires peut empêcher l’hégémonie d’un mode de transport destructeur et à forte intensité d’émissions pour les décennies à venir.

Cette carte rassemble des études de cas d’injustices liées à des projets aéroportuaires à travers le monde. Elle a été développée en collaboration entre l’ Environmental Justice Atlas et Stay Grounded. Pour plus d’informations ou si vous souhaitez fournir des informations sur une lutte aéroportuaire locale, merci de contacter : mapping[at]stay-grounded[dot]org

Quel est l'mpact de l'aviation militaire ?

L’aviation militaire est à l’origine de quantités importantes d’émissions lors de la production et des opérations. En raison de la rareté des études publiques indépendantes sur la consommation de carburant militaire, il est difficile de connaître les chiffres exacts. On estime que l’aviation militaire représente de 8 à 15 % du total, et les budgets militaires sont en hausse.

Les émissions militaires ont échappé à l’examen critique de la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) pendant des décennies et continuent d’être exemptées des obligations internationales relatives au climat. Bien que l’on puisse considérer que l’aviation militaire relève des contributions déterminées au niveau national (CDN), la réticence des pays à déclarer la consommation de carburant dans ces secteurs fait que les émissions de l’aviation militaire sont escamotées dans la pratique.

L’impact de l’aviation militaire va cependant bien au-delà de son impact climatique, avec les effets dévastateurs des guerres sur les populations. La comptabilisation de ses émissions serait une étape importante. Cependant, on est encore loin de pouvoir réduire ou abandonner réellement l’aviation militaire, les armes et la guerre pour lutter contre la crise climatique et construire un monde pacifique.

En savoir plus :
Article de Stay Grounded : A Tradition of Camouflage
Etude de World Beyond War : Demilitarization for Deep Decarbonization